C'était de Gaulle - Tome II
cours d'un déjeuner chez Alphand 3 , Johnson a dit à l'oreille de John Leddy 4 , à propos de De Gaulle : « Quand ce vieux monsieur fait un discours, je porte la main à mon chapeau de peur qu'il ne s'envole. Et quand il se lance à toute allure sur ses rails, je m'écarte pour lui laisser la voie libre. Les Allemands font comme moi. Et quand la locomotive est passée, nous reprenons tranquillement notre place et notre conversation. »
Curieuse inversion de la réalité : sur l'affaire de la Force multilatérale, c'est Washington qui s'agite, et le Général qui refuse de se laisser agiter. Chargés de séductions ou de menaces, les trains américains ne cessent de passer. De Gaulle reste obstinément assis sur le quai. C'est Johnson qui se lassera le premier, mais nous ne le savons pas encore.
« McNamara veut avoir l'air de faire quelque chose »
Salon doré, 2 juin 1965.
McNamara a proposé de faire, entre États-Unis, Grande-Bretagne, France et Allemagne, un Comité des affaires nucléaires.
AP : « Il a l'air d'accepter ce que vous demandiez dans votre mémorandum de septembre 58.
GdG. — Mais non. D'abord, en 58, j'avais dit qu'il fallait que la politique mondiale soit concertée entre l'Amérique, l'Angleterre et la France. Eisenhower n'a pas voulu aller dans mon sens, en alléguant que les autres n'en voudraient pas... Bon. Alors, c'est terminé. Maintenant, ils sortent cette histoire de concertationnucléaire entre l'Amérique, qui a des armes nucléaires, l'Angleterre qui en a mais qui en a perdu la libre disposition, la France qui commence à en avoir, et l'Allemagne qui ne doit pas en avoir.
AP. — Une autre présentation de la Force multilatérale ?
GdG. — C'est leur psychologie. Ils veulent avoir l'air de faire quelque chose. »
« Comme vous êtes nos amis, ça nous ennuie de vous voir vous enfoncer »
Salon doré, 23 juin 1965.
AP : « Que dire de la visite d'Humphrey 5 ? Il a insisté avec les journalistes sur le caractère très chaleureux de votre entretien.
GdG. — Aimable, mais pas vraiment chaleureux. Il n'y avait pas de raison de lui jeter des pierres à la figure, pas plus à lui qu'à ses compatriotes. Mais je lui ai dit qu'ils ont tort, tort à Saint-Domingue 6 , tort au Vietnam. "Nous le regrettons, parce que, comme vous êtes nos amis, ça nous ennuie de vous voir vous enfoncer. Vous étiez considérés jusqu'à présent comme un champion du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Maintenant, vous perdez cette position. Alors, c'est mauvais pour la paix. Par exemple, vis-à-vis des Soviets : ils évoluaient peu à peu vers la paix, et vous, au contraire, vous les obligez à interrompre cette évolution."
AP. — Toute l'opinion américaine est derrière Johnson et le pousse à aller de l'avant, non ?
GdG. — Oui. L'opinion élémentaire croyait qu' "il n'y a qu'à". Car l'Amérique n'a jamais souffert, sauf de la guerre de Sécession ; c'est maintenant qu'elle commence à souffrir. Ses entreprises à l'extérieur ont toujours été couronnées par le succès, même si la guerre de Corée n'a pas été très brillante. Vous comprenez, ce ne sont pas des gens qui ont reçu la bûchette 7 , comme nous. Mais les gens qui comptent commencent à trouver que l'aventure vietnamienne est dangereuse.
AP. — Quand il y aura 200 000 boys au Vietnam, l'opinion commencera à s'inquiéter.
GdG. — Oui. C'est ça. Mais 200 000 ne suffiront pas » 8 .
« L'organisation militaire de l'Alliance se terminera pour nous au plus tard en 69 »
Salon doré, 1 er septembre 1965.
AP : « Je vais faire allusion à la visite de George Bail ? GdG. — Il ne faut pas s'étendre. Parlez de la lettre du Président Johnson, qui me demandait de le recevoir... (Il ne convient pas d'insister sur une audience qu'il a accordée à un personnage d'un rang inférieur, mais sur le message du Président des États-Unis, son égal.) C'était un entretien de routine, tout ce qu'il y a de normal.
AP. — Normal entre amis et alliés.
GdG. — Non, non. Pas "normal parce que nous sommes amis et alliés ", comme beaucoup d'autres le sont. Normal parce qu'il s'agit de l'Amérique par rapport à la France, et de la France par rapport à l'Amérique. »
Voilà sa version du « parce que c'était lui, parce que c'était moi » de Montaigne. Mais s'agit-il seulement d'amitié ?
« Je n'ai pas à répondre au New York Herald »
Salon doré, 22 septembre 1965.
AP : « Le Herald Tribune annonce que
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