C'était de Gaulle - Tome II
plus rien ! Je me demande pourquoi toutes ces précautions ! Les pauvres diables sur lesquels on met la main tournent en rond. Ce sont des épaves. Quand Curutchet a été arrêté en Suisse, il avait dix-sept mille francs sur lui 6 .Ils sont aux limites du droit commun. Ils n'ont plus de racines. Tant que la guerre d'Algérie durait, ils s'alimentaient chez ceux qui soutenaient l'Algérie française. Maintenant que ces fables se sont évanouies, ils n'ont plus rien derrière eux.
AP. — Quand même, après le Petit-Clamart, il y a eu une tentative d'assassinat du Premier ministre 7 , et en février, l'attentat de l'École militaire.
GdG. — Ce sont quelques desperados. Le nombre de tueurs est limité. Ceux qu'on attrape à l'occasion d'un attentat, ce sont ceux sur lesquels on n'avait pas pu mettre la main à l'occasion de l' attentat précédent. Il y en a toujours eu en France, des comploteurs et des cagoulards — mais ce n'est plus un parti révolutionnaire, comme autrefois.
AP. — On peut toujours trouver, parmi ces individus isolés, un Bonnier de La Chapelle 8 ou un Ravaillac !
GdG. — Bien sûr, ça impose une certaine vigilance. Mais point trop n'en faut. Il y a encore quelques fous. Mais il n'y a plus de folie collective. L' OAS n'existe plus. »
« La Cour de sûreté a bien fait son travail »
Conseil du 12 novembre 1964.
Foyer : « La répression des faits de subversion est en voie d'achèvement. Le moment est venu de réduire les effectifs de la Cour de sûreté. Mais elle a une compétence permanente. Il n'y a pas lieu de la faire disparaître.
Pompidou. — Finalement, elle n'a pas été critiquée. Les journalistes, les avocats, les magistrats en ont même dit du bien.
GdG (laisse tomber la remarque : on ne juge pas les institutions selon l'opinion, mais sur leur efficacité). — La Cour de sûreté a bien fait son travail. Mais il faut maintenir la pression. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Le terrorisme, la subversion, l'espionnage peuvent à tout moment surgir on ne sait d' où ! Le pire de tout, c'est ce que vous appelez une juridiction de circonstance. Il faut être assez prévoyant pour ne pas attendre les circonstances. »
À l'issue du Conseil, le Général poursuit sur sa lancée :
GdG : « Les terroristes, qu'ils le veuillent ou pas, sont différents des autres. Quand un chauffard tue un piéton, ou même quand un bandit tue un caissier, ça n'ébranle pas l'État. Si un commando tue le garde républicain devant Matignon ou l'Elysée, ça ébranle l'État, ça atteint la nation tout entière. »
1 Jean Foyer, garde des Sceaux. Cf. tome I, partie II, chapitre 13 .
2 Le chef de l'État s'était contenté de ne pas adresser au garde des Sceaux la décision de « laisser la justice suivre son cours ». Il n'avait pas suspendu l'exécution par écrit, mais le résultat était le même.
3 Il aura lieu du 28 janvier au 4 mars 1963.
4 Finalement, cette allocution ne sera pas prononcée.
5 Mme de Gaulle. Il y avait aussi dans la voiture Alain de Boissieu, faisant fonction d'aide de camp, et le chauffeur ; mais le Général doit penser qu'ils étaient en service commandé. Et puis, c'étaient des hommes.
6 Le Général parle en anciens francs.
7 En septembre 1962, un complot, éventé à temps, avait été fomenté pour assassiner Georges Pompidou lors d'une partie de chasse.
8 Le meurtrier de l'amiral Darlan.
Chapitre 9
« L'AFFAIRE ARGOUD, CONNAIS PAS ! »
Le colonel Argoud, passé dans la clandestinité après l'échec du putsch d'avril 1961, se cachait en Allemagne depuis février 1962. Il a été retrouvé à Paris par la police le 26 février 1963, dans le coffre d'une Estafette Renault, ficelé et les yeux bandés.
Salon doré, 27 février 1963.
AP : « Puis-je vous parler d'Argoud ?
GdG. — Il n'en est pas question. »
Jamais le Général ne m'a cloué le bec avec autant de brutalité.
Cinq semaines plus tard, après le Conseil du 3 avril, le Général me parle de lui-même de l'affaire Argoud.
GdG : « Les autorités allemandes étaient au courant des agissements d'Argoud auprès des troupes en Allemagne. Aujourd'hui, elles font des scènes, pour la forme. La Sécurité militaire, elle, a été loyale.
« Ses interrogatoires vont bon train. Il a raconté par le menu son activité. Maintenant, ses avocats vont parler. On risque de vous interroger. (Voilà pourquoi le Général est devenu prolixe. Il daigne me faire le cadeau d'un secret qui va
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