C'était de Gaulle - Tome II
devenir celui de polichinelle.)
« L'affaire Argoud est une affaire montée. Argoud n'a jamais demandé le droit d'asile en Allemagne. Il n'était pas censé y être.
AP. — La presse allemande dit que cette affaire vous concerne personnellement.
GdG. — Personnellement, c'est trop dire. J'ai été personnellement surpris de voir que, malgré les démarches répétées que nous avons effectuées à Bonn, Argoud, déserteur, membre d'organisations subversives, qui a voulu attenter à mes jours, continuait à se déplacer librement en Allemagne, et se déplacer pourquoi ? Pour faire déserter des officiers français ! Je n'ai jamais personnellement donné l'ordre d'arrêter Argoud en Allemagne.
AP. —Les journaux allemands disent que vous accepteriez de recourir à un arbitrage international.
GdG. — C'est absurde ! »
Conseil du 2 janvier 1964.
Couve : « Après dix mois, et à la faveur du procès, l'affaire Argoud rebondit. À la veille de la rentrée du Bundestag, le gouvernement allemand refait une demande officielle. Nous contenterons-nous de répondre par une fin de non-recevoir ? »
Le Général se contente de dire : « Affaire Argoud, connais pas ! »
L'affaire Argoud est de celles qu'il vaut mieux ne pas traiter devant tant d'oreilles passionnées par le romanesque.
Erhard: « Je souhaite que le général de Gaulle traite l'affaire Argoud avec délicatesse »
Bonn, 13 janvier 1964.
Dans le cadre du traité franco-allemand, je suis venu rencontrer mon homologue allemand. Le Chancelier Erhard, qui doit venir à Paris dans un mois, m'a reçu, à sa demande, en compagnie de notre ambassadeur, Roland de Margerie. Il attaque :
« J'aurais aimé passer sous silence l'affaireArgoud. Nous considérons Argoud, sa personne, ses complots, comme abominables. Mais le peuple allemand, en raison du régime qu'il a connu, est devenu hypersensible sur les questions de droit. Au Bundestag, l'opinion dominante est que l'on ne peut pas liquider cette question sans autre forme de procès. Je souhaite, si le général de Gaulle aborde le sujet dans sa prochaine conférence de presse, qu'il le traite avec délicatesse, sans fermer la porte à la conciliation. »
Je lui réponds en rappelant les coupables activités d'Argoud sur le sol allemand : « Le but d'Argoud était de faire disparaître le général de Gaulle. Au Petit-Clamart, il a failli réussir. Nous savons qu'il préparait un nouvel attentat.
Erhard. — Les agissements d'Argoud, ce n'est pas la peine d'en parler, nous leur sommes totalement hostiles. Mais l'opposition socialiste a soulevé ce lièvre dans des conditions si habiles, que la CDU-CSU a été obligée de faire chorus. On a déclaré, au Bundestag, que l'honneur du peuple allemand était engagé. La question est simple : un État souverain ne saurait admettre qu'un organisme, légal ou illégal, relevant d'un autre État, s'empare d'une personne sur son territoire. La réponse française à notre première note n'est pas telle que l'on puisse tourner la page. Si le gouvernement français n'a rien à voir avec cet enlèvement, il suffirait d'une déclaration dans ce sens. La question devrait être réglée avant mon voyage à Paris. Sinon, tous les journaux allemands me diront: " Entends-toi avec de Gaulle, reviens avec Argoud ! " Veuillez dire ce qu'il faut pour que mon opposition ne m'ennuie plus avec cette affaire. »
« Ils veulent pouvoir dire que les lascars qui ont arrêté Argoud n'étaient pas en service commandé »
Salon doré, 14 janvier 1964.
Le Général a déjà pris connaissance du télégramme diplomatique sur mon entretien avec le Chancelier.
GdG : « L'affaire Argoud, n'en dites pas un mot ! Les Allemands se rendent compte qu'ils ont gaffé. Leur note était imbuvable.
AP. — Ils souhaitent un geste, pour sauver la face.
GdG. — Il y a eu une manœuvre des socialistes allemands ; mais la CDU a voulu montrer qu'elle était tout aussi intransigeante.
AP. — Les parlementaires demandent une phrase dans le genre : " L' enquête sur les conditions de cet enlèvement n'a en rien révélé la participation d'un service officiel français." Ça les calmerait. Il ne serait plus question de la restitution d'Argoud. »
Justement, le Général ne veut pas de cette phrase : c'est la Sécurité militaire qui a enlevé Argoud à Munich, sans que ni lui ni son ministre en aient donné l'ordre. Un mandat d'arrêt international avait été lancé contre Argoud. Son arrestation
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