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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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(laconique) : « C'est la consécration d'une brillante carrière vichyste.
    Pompidou (ennuyé). — Au contraire, c'est parce qu'il a été vichyste que sa carrière dans la Légion d'honneur avait été ralentie.
    GdG (acide). — Heureusement que ça a changé, le vichysme ne ralentit pas, il accélère. »

    « Paul Morand m'a manqué »
    Préfecture d'Angoulême, le 12 juin 1963.
    Le Général ayant parlé, non de « la doulce France », comme dit la Chanson de Roland, mais de « France la douce », la formule de Paul Morand, l'idée me vient de le questionner sur l'écrivain.
    «Pourquoi, mon général, en avez-vous voulu plus à Paul Morand, chef de la mission économique à Londres, qu'à Corbin et à l'ambassade, de vous avoir fait faux bond, alors qu'ils sont partis dans le même bateau ?
    GdG. — Après Mers-el-Kébir, Vichy avait rompu les relations avec Londres et fermé l'ambassade. Les fonctionnaires sont habitués à obéir. Ceux-là ne sont pas plus blâmables que les autres. Mais Morand, Vichy lui demandait au contraire de rester à Londres ! C'est lui qui s'est précipité à Vichy, où on ne voulait pas de lui.
    « Et puis, Morand était un grand écrivain, choyé comme tel à Londres. Il était très introduit dans la société anglaise, cette oligarchie dont se moquait Napoléon. Quelques centaines de lords et de grands patrons ou banquiers exerçaient le vrai pouvoir. Nous ne connaissions personne. Vous imaginez de quel prix aurait été son ralliement ! Il aurait pu apporter à la France libre le faisceau des relations qu'il s'était faites par sa renommée littéraire, par ses succès auprès des dames. Il m'a manqué. » Il appuie comme pour dire : « Il a manqué gravement à ses devoirs envers moi. » Un silence, puis il reprend : « Sa femme avait du bien. Quand on a du bien, on le fait passer avant la patrie. Les Français qui avaient du bien ne m'ont pas rejoint 2 . Quand on a le talent et la notoriété d'un grand écrivain, on ne fait pas passer d'abord son bien. Morand est impardonnable. »
    De Gaulle n'a pas pardonné. En 1959, à peine était-il installé à l'Elysée, que Paul Morand se portait candidat à l'Académie. Onze académiciens, à l'initiative d'André Chamson, François Mauriac et Pasteur Vallery-Radot, lui demandèrent d'user de ses prérogatives de protecteur de l'Académie pour faire connaître qu'il ne ratifierait pas cette élection. Il répondit qu'il estimait eneffet souhaitable « d'attendre que le temps eût fait son œuvre ». Dix-neuf ans n'avaient pas suffi.
    En 1968, Paul Morand frappe de nouveau à la porte. Le Général, interrogé, fait savoir qu'il ne s'opposera plus. Morand élu, le directeur en exercice, Jean Mistler, demande audience, selon la coutume, pour le présenter au Président. Le Général reçoit Mistler seul, sans la moindre allusion à l'élection. Quand le Général raccompagne son visiteur : « Considérons, dit-il, que j'ai reçu Paul Morand. » Vingt-huit ans après, il ratifiait l'élection, mais en s'épargnant de serrer la main de celui qui lui avait manqué.

    « Je vous fais duc »
    Le traitement infligé à Morand est à la mesure du respect dans lequel il tient l'Académie. Le Général marque envers les académiciens une déférence qui fait parfois sourire. Un écrivain, un artiste ou un savant a, pour lui, beaucoup plus de prestige qu'un négociant, qu'un chef d'entreprise, qu'un fonctionnaire. Un écrivain a la liberté de sa plume ; un artiste a le don de la création ; un savant a le prestige de la découverte. Si, en plus, il est membre de l'une des cinq Académies, et surtout de la Française, son auréole n'a plus de limite : il a sa chance de braver le temps.
    Lévis-Mirepoix, historien estimable mais sans grand éclat, avait été élu à l'Académie, plus parce qu'il était duc que pour son œuvre littéraire. Or ce Grand d'Espagne, marquis en France, n'était duc qu'en Castille. Comme ses livres portaient le titre ducal, il voulait régulariser. Il demanda au garde des Sceaux de l'investir.
    «Mais, lui répond Edmond Michelet, sous aucune des cinq Républiques un garde des Sceaux n'a conféré un titre de noblesse à quelqu'un dont l'ascendance ne l'avait pas reçu sous la monarchie ou sous l'Empire. »
    Lévis-Mirepoix invoque un édit royal de 1774, qui admettait les Français Grands d'Espagne « aux honneurs des ducs ».
    Michelet : « Le garde des Sceaux a le pouvoir de faire un décret confirmant les titres

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