C'était de Gaulle - Tome II
attaqueront de toute façon, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise.
AP. — Lorenzi, c'est le gros morceau, parce qu'il était une sorte de symbole de la télévision.
GdG. — Lorenzi et tous ces réalisateurs se partagent tous les fromages. C'est un monopole, toute cette télévision soi-disant artistique. Et ça finit toujours par Aragon. Vraiment, c'est exagéré. Il faut faire sauter Max-Pol Fouchet et Lorenzi ! Qu'on ne traîne pas ! »
« Les monopoles sont injustifiables »
Salon doré, 21 juillet 1965.
GdG : « Les monopoles sont injustifiables, en particulier, pour la littérature et l'art, celui de Max-Pol Fouchet. Il ne manque pas de talent d' ailleurs, sur tel peintre, tel sculpteur, telle époque artistique, toujours selon son engagement. Mais il n'y a que lui qui fasse ça. C'est donc un monopole.
AP. — À mon avis, l'engagement en matière artistique est beaucoup moins grave que dans le domaine historique et dans le domaine politique.
GdG. — Je reconnais que sur l'art, le théâtre, la littérature classique, c'est pas très grave. Je ne demande pas une chasse aux sorcières, ni qu'on interdise à un réalisateur communiste, s'il a du talent, d'adapter Le Cid ou Le Bourgeois gentilhomme. »
« D'Astier gaulliste ? Vous voulez rire ! »
Salon doré, 8 septembre 1965.
AP : « D'Astier de La Vigerie est interrogé de temps à autre sur la seconde chaîne de la télévision. Il passe bien, ça a du succès. Il a la réputation d'être d'extrême gauche, mais il est aussi gaulliste qu'on peut l'être quand on est de gauche. Il souhaiterait être transféré sur la première chaîne, ce qui accroîtrait son audience.
GdG. — D'Astier gaulliste, vous voulez rire ? Mais quel contrepoids lui mettrez-vous ? Pourquoi bâtir une seule personnalité ? Trouvez-en d'autres qui passent bien ! Vous me dites que vous cherchez un gaulliste. On ne peut pas vraiment être gaulliste si on est de gauche, ni si on est de droite. Être gaulliste, c'est n'être ni à gauche, ni à droite, c'est être au-dessus, c'est être pour la France. »
1 Ce sera « Au théâtre ce soir », qui commencera en 1966.
2 Cet amendement, voté en 1960, à l'instigation du député centriste André Diligent, interdisait l'instauration de la publicité à la télévision, sauf décision expresse du Parlement.
3 Stellio Lorenzi, dont l'émission mensuelle, « La Caméra explore le temps », a été supprimée.
Chapitre 17
« UNE GROSSE TÊTE EST PLUS RESPONSABLE QU'UNE TÊTE DE PIAF » 1
23 avril 1963.
«Quel est le rôle d'un intellectuel, sinon de combattre les préjugés ? Qu'ai-je fait d'autre toute ma vie — me dit le Général dans l'autorail qui nous conduit vers Rethel ? Et pourtant, je me heurte à des préjugés plus forts chez les intellectuels que dans aucune autre catégorie de la nation. »
Nul doute qu'une des souffrances secrètes qu'ait éprouvées de Gaulle, a été l'incompréhension des intellectuels.
Malraux me parle souvent de cette hostilité des milieux intellectuels à de Gaulle. Il est le premier à s'y heurter. Mais il déplore qu'on leur fasse trop de concessions — en fait d'intellectualité, il ne craint personne : « Presque tout ce que nous avons fait depuis la guerre, particulièrement depuis le retour du Général, c'est par mauvaise conscience envers l'intelligentsia de gauche. C'est Le Nouvel Observateur qui gouverne ce pays. »
Je demandais récemment à un écrivain naguère gauchiste, enthousiaste pour de Gaulle vingt ans après sa mort : « Ça ne vous ennuie pas, d'être passé à côté du Général de son vivant ? — Mais je ne suis pas passé à côté ! Je lui suis rentré dedans. » Cette superbe réponse n'aurait pas été de nature à mettre un baume sur la blessure que ressentait de Gaulle.
Déjà, l'avait blessé la désertion des intellectuels en 1940 ou leur méfiance à son égard ; même ceux qui quittaient la France, les Saint-John Perse, Jules Romains, André Maurois, travaillaient contre lui ou n'avaient pas un mot pour lui. Alors qu'il livrait une bataille morale. Alors qu'il s'agissait de montrer que l'âme de la France était avec lui..
« Le vichysme ne ralentit pas, il accélère »
Le Général parle rarement de l'attitude des écrivains pendant la guerre, mais, de-ci, de-là, une observation fulgurante montre qu'il y pense toujours.
Au Conseil du 31 juillet 1962, Roland Dorgelès est proposé comme Grand Officier de la Légion d'honneur.
GdG
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