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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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nobiliaires antérieurs, non de les créer ! À moins que... le Président de la République, comme successeur des souverains, décide lui-même de vous conférer un titre que vous n'avez pas en France. »
    Le Général a pris la décision de reconnaître au marquis de Lévis-Mirepoix le titre de duc. Sans doute n'eût-il pas été élu à l'Académie, si ses confrères n'avaient pas cru qu'il était duc. Sans doute le Général ne l'aurait-il pas fait duc, s'il n'avait été de l'Académie française.

    « Les paroles d'un intellectuel sont des flèches »
    Salon doré, 31 juillet 1963. Je signale au Général que je compte rééditer Rue d'Ulm, une anthologie composée en 1946 tandis que j'étais élève à l'École normale, qui fêtait cette année-là son cent-cinquantenaire. Parmi les nombreux écrivains « archicubes » dont j'avais alors réuni les pages sur Normale, j'avais prévu des extraits du beau livre de Robert Brasillach 3 , Notre avant-guerre, écrit au front entre septembre 1939 et mai 1940.
    Pour régler le problème des autorisations de publier, j'avais consulté la présidente de la Société des gens de lettres. En feuilletant le sommaire, elle avait sursauté : « Brasillach ? Vous n'y pensez pas ! Si vous le faites figurer, les trois quarts des autres se récuseront ! Paix à son âme, mais silence sur ses écrits ! »
    Je demande au Général s'il voit un inconvénient à ce que je publie ces pages, et lui explique pourquoi j'avais dû y renoncer en 1946.
    GdG : « Cette réaction se comprend, compte tenu de l'atmosphère d'alors. Mais le temps a fait son œuvre... D'ailleurs, même alors, c'était bien excessif d'éliminer des textes qui n'étaient pas des appels à la collaboration avec l'ennemi.
    AP. — Je ne voudrais pas vous poser une question relative à la décision que vous avez prise en 1945. Mais... supposons que Brasillach se soit caché pendant les dix-huit ans qui ont suivi, et qu'ayant été retrouvé, il soit de nouveau condamné à mort aujourd'hui. Exerceriez-vous votre droit de grâce ? »
    Le Général reste silencieux. Va-t-il refuser de répondre sur une affaire qui relève de sa seule conscience ? Il finit par dire : « Aujourd'hui, je ne sais pas. La roue a tourné. Mais, cet hiver-là, la guerre continuait, nos soldats tombaient sous le canon des Allemands. Tant de pauvres types ont été fusillés sommairement à la Libération, pour s'être laissé entraîner dans la collaboration ! Pourquoi ceux qui les ont entraînés — les Darnand, les Déat, les Pucheu, les Henriot, les Brasillach — seraient-ils passés entre les gouttes ? Un intellectuel n'est pas moins, mais plus responsable qu'un autre. Il est un incitateur. Il est un chef au sens le plus fort. François Mauriac m'avait écrit qu'une tête pensante ne doit pas tomber. Et pourquoi donc, ce privilège ? Une grosse tête est plus responsable qu'une tête de piaf ! Brasillach était intelligent. Il avait du talent. Ce qu'il a fait est d'autant plus grave. Son engagement dans la collaboration a renforcé les nazis. Un intellectuel n'a pas plus de titres à l'indulgence ; il en a moins, parce qu'il est plus informé, plus capable d'esprit critique, donc plus coupable. Les paroles d'un intellectuel sont des flèches, ses formules sont des balles ! Il a lepouvoir de transformer l'esprit public. Il ne peut pas à la fois jouir des avantages de ce pouvoir-là et en refuser les inconvénients ! Quand vient l'heure de la justice, il doit payer » 4 .
    De Gaulle a entouré cette mort de la musique de l'héroïsme.

    « Comment la puissance peut se tirer de la désinvolture »
    Salon doré, 8 février 1964.
    La nouvelle édition de Rue d'Ulm est parue en janvier, avec une préface de Georges Pompidou et les pages de Robert Brasillach. Le Général m'en parle plus longuement qu'elle ne le mérite 5 : « Notre monde est fait de beaucoup de mondes. Le monde de Normale est différent des autres, en ce sens que tous ceux qui lui appartiennent ont quelque chose en commun, qui est reconnaissable au premier coup d'œil ; mais qu'en même temps, ils tiennent tous à être différents les uns des autres. À Polytechnique, à Saint-Cyr, à Navale, peut-être à cause de l'uniforme, les élèves se veulent pareils... A Normale, la volonté de puissance s'exprime par l'insolence. On fait un pied de nez à la hiérarchie de la société et de l'État. » (Il songe évidemment à l'accueil qu'il a reçu rue d'Ulm 6 .)
    Deux jours plus

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