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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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mariage, Landru tient à célébrer leurs fiançailles. Sur son carnet, on lit : « 17 juin. – 6 heures du matin. Patay. » La veuve habite en effet au 95, rue de Patay. Ce jour-là, Landru l’emmène à sa maison de campagne de Vernouillet. Au retour, elle racontera à sa concierge que la villa est jolie, bien meublée, que son fiancé est propriétaire d’une automobile et qu’elle est sûre d’être très heureuse avec lui.
    Une semaine plus tard, une voiture de déménagement vient chercher les meubles de Mme Laborde-Line que Landru attend en taxi. Avant d’y monter, la veuve crie à sa concierge :
    — Je vous écrirai pour vous donner ma nouvelle adresse !
    Cette lettre-là, la concierge l’attendra toujours.
    À Vernouillet, une voisine de la villa The Lodge constatera la présence d’une nouvelle résidente chez le barbu d’à côté. Elle la verra même arroser des fleurs dans le jardin. Au bout de deux ou trois jours, plus personne. Cette voisine, à l’instruction, reconnaîtra formellement la photographie de Mme Laborde-Line. Quant au mobilier, on découvrira qu’il avait été d’abord remisé dans un garde-meubles d’où, le 15 septembre, un homme « paraissant âgé de cinquante ans, portant la barbe » était venu l’enlever. Plusieurs de ces meubles vont être retrouvés dans le garage de Clichy. Quant au secrétaire ancien auquel tenait tant Mme Laborde-Line, un meuble de valeur, Landru avait tenu à ce qu’il ornât l’une des pièces de l’appartement de sa propre famille. À la date du 7 juillet 1915, Landru a enregistré dans sa « comptabilité » la vente de deux titres, pour une somme de 612 francs. Ils avaient appartenu à Mme Laborde-Line. Landru les a vendus en même temps qu’une obligation ayant appartenu à Mme Cuchet…
     
    Au mois de janvier 1915, une certaine Mme Guillin – Marie-Angélique-Désirée, cinquante-deux ans, veuve – raconte avec enthousiasme à ses voisins de la rue Crozatier qu’elle a fait la connaissance « d’un monsieur très riche, réfugié de Lille, qui doit bientôt l’épouser avant de partir avec elle pour l’Australie où, en récompense de services rendus au pays pendant l’occupation allemande, il était nommé dans un consulat ».
    Les mêmes voisins reçoivent bientôt d’autres confidences triomphales. Mme Guillin a passé deux jours et deux nuits à Vernouillet chez le monsieur très riche. Jamais elle n’a été si heureuse.
    Landru – on le remarquera – a entrepris sa nouvelle « opération » avant même que Mme Laborde-Line ait cessé de donner de ses nouvelles. Le 15 juillet, c’est à son bras que Mme Guillin quitte son domicile. Au début d’août, elle écrit de Vernouillet à sa fille. À la lettre, Landru ajoute même quelques lignes de sa main !
    Après, plus rien. La fille de Mme Guillin n’entendra plus jamais parler de sa mère. Simplement, dans l’un des agendas de Landru, on trouve, à la date du 2 août 1915, une liste de bijoux. Ceux de Mme Guillin. Le même jour, Landru vend deux obligations ayant appartenu à la même Mme Guillin. Au mois d’octobre, muni d’une autorisation en bonne et due forme qu’il a eu l’audace de demander au juge de paix, il déménage les meubles de la rue Crozatier. Un peu plus tard, il vend plusieurs titres, pour une somme de 11 750 francs. Tous ont appartenu à Mme Guillin. Sur son carnet, Landru allait écrire : « 26 décembre. Banque de France. Solde de compte. »
    Pauvre Mme Guillin ! Dans la liste des « disparues », elle n’aura pas même le droit de figurer sous son patronyme. Landru ne la citera que par le nom de la rue qu’elle habitait : Crozatier.
     
    Un problème : les enfants de Mme Guillin connaissent l’adresse de Vernouillet. Sans nouvelles, ils ne vont pas manquer de s’y rendre et de poser des questions gênantes. Landru n’aime pas les questions. Justement, son bail expire le 4 août. Le jour même, il déménage. Ils peuvent toujours venir, les enfants de Mme Guillin : Landru est parti sans laisser d’adresse.
    Il n’en a pas moins acquis une certitude. Pour le genre d’activités auxquelles il se livre depuis quelque temps, la maison de campagne reste une nécessité. Elle rassure les « clientes » éventuelles. On peut agir là bien plus facilement qu’à Paris. Et plus aisément se débarrasser des cadavres.
    À Vernouillet, les voisins étaient trop proches. La maison que Landru va rechercher

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