Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
doté d’une voix coléreuse, d’un nez court et busqué toujours chaussé d’un pince-nez, de rares cheveux gris, d’une lèvre mince surmontée d’une moustache. Ce fils de boucher s’est hissé dans la carrière à la force du poignet. Un beau mariage a facilité les choses. Au sein de la société bourgeoise qui l’a admis, il professe bien haut ses opinions républicaines. Résultat d’une longue lignée de Yankees, il ne ressent que mépris pour les étrangers.
    C’est sous son regard soupçonneux que sont prêts à s’affronter le procureur Katzmann, les avocats de Vanzetti Vahey et Graham ainsi que les militants anarchistes engagés par la colonie italienne du Massachusetts. Dans le box des accusés, on a amené Vanzetti, menottes aux mains. Pour l’audience, on lui a enlevé ses menottes.
    C’en est fait. La machine est lancée. Le long défilé des témoins a commencé, chacun allant prendre place sur le siège réservé, chacun interrogé successivement par le procureur et les avocats. Harding comparaît, toujours sûr de lui. Il a décrit primitivement la voiture de l’attentat comme étant une Hudson. Il déclare à présent que c’est une Buick. Dans sa première déclaration, il avait donné une description du bandit armé qui ne ressemblait en rien à Vanzetti. Maintenant, il le reconnaît parfaitement. Cox qui, dans le poste de police de Brockton, n’avait pas voulu reconnaître Vanzetti, déclare aujourd’hui être certain que c’est lui. Mme Brooks affirme qu’elle est sûre que Vanzetti conduisait la voiture, elle l’a vu de ses yeux. Or Vanzetti ne sait pas conduire. Un petit vendeur de journaux déclare que Vanzetti est l’homme à la carabine. Il a reconnu à sa manière de courir qu’il était étranger. L’avocat Vahey lui demande si les Italiens ou les Russes courent différemment des Suédois ou des Norvégiens. Le petit vendeur reste coi.
    À Bridgewater, on a trouvé sur le sol une douille. L’expert de l’État, le capitaine Proctor, vient déclarer que le diamètre de cette douille est identique à celui des balles trouvées dans les poches de Vanzetti. L’avocat Vahey objecte que la douille trouvée dans le ruisseau peut y avoir été jetée par n’importe quel chasseur. Il s’agit d’un diamètre extrêmement courant. De sa voix sèche, le juge Thayer intervient : il considère que c’est au contraire une preuve dont le jury aura à tenir compte.
    Paraissent alors les témoins de la défense. Ils sont là, effarés, intimidés. Presque tous sont italiens. Certains baragouinent l’anglais, d’autres ne le parlent pas du tout. Des gens humbles, habitués à être traités de haut par les Yankees. Pourtant, ils osent s’exprimer et ce qui ressort de leurs déclarations est singulièrement impressionnant. La logeuse de Vanzetti à Plymouth témoigne que l’accusé a passé toute la journée du 23 décembre à préparer des anguilles pour la journée du lendemain. Il en avait reçu un gros tonneau. C’est en effet une tradition italienne : on mange des anguilles, le 24 au soir, pour le réveillon de Noël. Précis, le repère. Vanzetti n’a vendu des anguilles que le 24 décembre et ces gens-là n’en ont pas acheté un autre jour. Ils sont donc sûrs de ce qu’ils disent. Une bonne dizaine de personnes témoignent, avec une quantité de détails évocateurs, avoir acheté des anguilles à Vanzetti dans la journée du 24. Il ne peut donc pas s’être trouvé à Bridgewater ce jour-là, mais le procureur Katzmann attaque. Inquisiteur, il demande aux témoins ce qu’ils ont fait la veille du nouvel an. La plupart ne le savent plus. Tout se passe par l’intermédiaire d’interprètes. Cela dure longtemps, les accusés s’embrouillent. Voilà le jury mal disposé.
    Le témoin principal est un enfant : Beltrando Brini. Il a aidé, toute la matinée du 24, Vanzetti à livrer ses anguilles. Il évoque en détail ses faits et gestes et décrit avec une grande précision le trajet à travers la ville. Cette fois, le jury se montre impressionné mais Katzmann intervient : l’enfant a-t-il répété sa déposition avec ses parents ? Beltrando répond affirmativement. On ne le croit plus. Le coiffeur de Vanzetti déclare ne lui avoir jamais rasé la moustache depuis cinq ans. Deux membres de la police de Plymouth confirment qu’ils lui ont toujours connu la même moustache. Il n’a donc aucun rapport avec l’homme à la moustache rasée

Weitere Kostenlose Bücher