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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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au témoignage de Mary Splaine. Elle a dépeint non pas l’agresseur de South Braintree, mais le Sacco qu’elle a vu au poste de police. Les deux images se sont mêlées dans sa mémoire.
    Les témoins se succèdent. Le garde-barrière vient dire que Vanzetti conduisait la voiture. Rappelons qu’il ne savait pas conduire. Lola Andrews a parlé à l’un des bandits avant l’attentat. Elle a déclaré avant le procès qu’il lui était impossible d’identifier les deux hommes. Devant les photographies de Sacco et Vanzetti, elle a affirmé en janvier : ce ne sont pas eux. Au tribunal, elle reconnaît catégoriquement Sacco.
    C’est alors que Moore révèle et prouve que Stewart, en février, a mené Lola à la prison de Dedham. Par une fissure dans la cloison, on lui a montré Sacco. Par voie de conséquence, maintenant, au tribunal, elle dépeint un homme qu’on lui a déjà montré comme un coupable. Cette même Lola racontera un peu plus tard qu’un inconnu était venu chez elle mystérieusement pour lui parler du crime. Elle lui avait ouvert. Et là, dans l’entrée, il l’avait violée. Visiblement, Lola est capable de raconter n’importe quoi. Coup de théâtre : Moore fait venir à la barre la vieille Julia Campbell. Elle a bon pied, bon œil. Elle était dans la rue avec Lola. Elle confirme que Lola a parlé à un bandit, mais elle est formelle : ce n’était ni Sacco ni Vanzetti. Elle laisse entendre que Lola n’a pas toute sa tête. Elle désarçonne le procureur en l’appelant mon cher. Et quand il veut l’embrouiller dans les dates, elle s’écrie :
    — La barbe !
    Le témoignage de Lola sera retenu comme étant accablant pour Sacco.
    On se souvient que Sacco avait affirmé d’abord qu’il avait travaillé le 15 avril. Maintenant, il explique qu’il s’était, ce jour-là, rendu au consulat italien de Boston pour y porter une photographie destinée à son passeport. Il s’était attardé dans la ville où il avait retrouvé des amis italiens. L’employé du consulat, rentré depuis en Italie, a envoyé son témoignage. Il confirme le récit de Sacco. On a retrouvé tous les amis qui ont vu Sacco ce jour-là, qui ont déjeuné et bu avec lui. Tous, ils viennent au tribunal, ils confirment l’alibi. Ils donnent des détails. À l’un des témoins, Katzmann lance :
    — Comment savez-vous que c’est le 15 avril ?
    — Parce que j’ai vu mon médecin ce jour-là.
    On convoque le médecin. Son livre de rendez-vous confirme.
    D’autres témoins viennent jurer que le 15 avril, comme tous les jours, Vanzetti a vendu son poisson.
    Impressionnants, encore, tous ces témoignages. Ils devraient contrebalancer les témoignages de l’accusation, souvent pleins de contradictions. Ce n’est pas le cas. Les jurés ne supportent ni les Italiens ni les anarchistes. On a publié le témoignage d’un membre du jury, un certain Dever. Il est révélateur :
    — J’avais l’impression que tous ces macaroni se soutenaient entre eux.
    On en est venu aux experts. Sur les 4 balles qui ont atteint Berardelli, sur les 2 balles qui ont blessé mortellement Parmenter, 5 ont été tirées avec un pistolet de calibre 32. Or le revolver de Sacco est un colt calibre 32. Le capitaine Proctor vient déposer. Il affirme que les cinq premières balles ont été tirées par un automatique Savage. Et la balle qui a causé la mort de Berardelli, peut-elle avoir été tirée par le colt de Sacco ?
    — À mon avis, c’est compatible avec le fait qu’elle aurait été tirée par ce pistolet.
    Réponse en vérité très ambiguë. La défense devrait demander à Proctor de préciser sa pensée. Elle ne le fait pas. La vérité est qu’elle n’a pas osé. Et si Proctor répondait qu’il en est sûr ? Or, après le procès, Proctor répétera à plusieurs personnes que cette « compatibilité » était loin de représenter à ses yeux une certitude. Un second expert de l’accusation déclare qu’il « incline à croire que les balles ont été tirées par le colt de Sacco ». Mais un troisième expert, mandaté par la défense celui-là, affirme que les balles ont été tirées par un bayard étranger et non par un colt. Un second expert de la défense proclame : les balles n’ont pas été tirées par le pistolet de Sacco.
    Nous pourrions donc renvoyer dos à dos les experts avec une présomption en faveur de l’innocence de Sacco. Si du moins Proctor avait pu exposer totalement sa pensée.

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