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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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primitivement décrit comme ayant été vu à Bridgewater.
    Quand on compare les témoignages de tous ces Italiens, quand on jauge le son de vérité qu’ils rendent incontestablement, on se sent convaincu. La simple équité devrait faire reconnaître que l’alibi de Vanzetti est total, absolu. Mais ce sont des Italiens. Le verdict que rapportera le juge Thayer conclura à la culpabilité de Vanzetti. Il est condamné à une peine de douze à quinze ans de prison. Ce n’est qu’un début.
     
    Horrifiés, les amis anarchistes de Vanzetti. Ils se concertent. La section de New York intervient. Il faut changer d’avocats avant le procès de l’attentat de South Braintree, autrement on court au désastre. On va donc engager un défenseur du nom de Fred Moore.
    Dans le procès Sacco-Vanzetti, voilà une date essentielle. Parce que Fred Moore va sciemment donner à l’affaire sa dimension nationale, puis internationale. Il ameutera la conscience mondiale. Il fera en sorte que le procès de ces deux inconnus, de ces anarchistes misérables, bouleversera des millions d’hommes et de femmes. Il rendra Sacco et Vanzetti célèbres, éternellement. Peut-être aussi aidera-t-il à les faire passer de vie à trépas.
    Moore est l’avocat des travailleurs révolutionnaires. Chaque fois que des syndicalistes ou des militants sont traduits devant des tribunaux américains, Moore est là. En sa présence, rien n’est plus indifférent. Il soulève les passions, il draine derrière lui les enthousiasmes, il manipule les jurys comme de la glaise – et il gagne souvent ses procès. Il fallait le voir arrivant au palais de justice, entouré d’une cour de jeunes femmes admiratrices, ses longs cheveux jaillissant en couronne de son immense chapeau de cow-boy. Il était chaussé de sandales et paraissait bien ce qu’il était : un avocat bohème. Pour le procès Sacco et Vanzetti, Moore va se faire assister par les frères McAnarney, Thomas et Jeremiah, plus familièrement appelés Tom et Jerry.
    Le second procès commencera le 31 mai 1921. Il se poursuivra, jusqu’au 14 juillet, dans la salle de justice de Needham. Le juge est toujours Thayer. Le procureur : Katzmann. Cette fois, Sacco et Vanzetti sont côte à côte dans le box des accusés.
    Dès le début, Moore braque contre lui le juge Thayer en récusant un nombre incroyable de jurés. Il contredit le juge à tout instant. De leur côté, les anarchistes d’Amérique ont agi. De nombreux articles ont paru dans la presse. On a tenu des meetings. On a dénoncé une erreur judiciaire à propos de la condamnation de Vanzetti dans l’affaire de Bridgewater. Des ligues de droit civique se sont émues. Des intellectuels ont pris parti, des associations de dames se sont enflammées. Le résultat ? Dès le jour de la première audience, le palais de justice est encerclé par une troupe en armes et par de la cavalerie. Dans les rues avoisinantes, des militaires à motocyclette passent et repassent. À l’intérieur du palais, de considérables forces de police gardent toutes les issues et patrouillent dans les couloirs et les escaliers. Sacco et Vanzetti ne se sont pas revus depuis huit mois. Amenés à l’audience, ils se sont embrassés.
    Appelée de nouveau comme témoin, Mary Splaine va faire sensation. Elle raconte qu’après avoir entendu la fusillade, elle s’est précipitée, juste à temps pour voir passer la voiture. De ses yeux, elle a vu le bandit, nu-tête :
    — Il avait une chemise – du moins ce que j’ai pensé être une chemise – grise, plutôt grisâtre, et sa figure était ce qu’on appelle bien découpée… un peu étroite, juste un tout petit peu étroite. Il avait le front haut. Les cheveux étaient rebroussés en arrière et ils mesuraient entre cinq et six centimètres et demi de longueur, et il avait des sourcils très noirs. Mais le teint était blanc, d’un blanc particulier qui paraissait verdâtre.
    Ce qu’elle avait bien remarqué, c’était la main gauche du bandit, posée sur le siège avant :
    — Une main de bonne taille qui dénotait de la force.
    La défense aura beau jeu de montrer que Mary Splaine, étant donné l’allure de la voiture, n’a pu la voir que trois secondes, et à vingt mètres de distance. Elle a donc eu le temps de discerner la couleur exacte des cheveux du bandit, la couleur de sa peau et la forme de sa main !
    Un éminent psychiatre américain démontrera fort bien le mécanisme qui a présidé

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