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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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le drame – et le malheur – de Nobile sont nés de là.
    Pourtant, il s’acharne à protester, à refuser, à imposer son plan d’évacuation. À ce point que le Suédois, agacé et désinvolte, lui signale que l’on n’est pas en train « de répéter un grand opéra ».
    C’est Biagi qui va couper court. Décidément, il vaut mieux que le général parte : « Nous aurons l’esprit en repos. » Nobile hésite toujours. Il consulte tour à tour Behounek, Viglieri, Trojani qui se montrent tous du même avis :
    — Partez, mon général !
    Cecioni lui-même, de sa grosse voix bourrue, l’invite à partir :
    — Vous ferez secourir nos familles !
    C’est dit. Viglieri et Biagi le saisissent chacun sous un bras et le portent jusqu’à l’appareil… où l’a précédé Titina qui perce l’air de ses aboiements triomphants. Aux autres, Lundborg répète qu’il reviendra d’heure en heure et qu’au matin leur évacuation sera achevée.
    Le moteur qui vrombit. Les skis qui glissent sur la glace. Un envol impeccable.
    Nobile a choisi son destin.
     
    Lundborg avait promis : « Je reviendrai. » Un peu plus tard dans la nuit, il revient en effet… et capote à l’atterrissage. Son avion se retourne. Il est sain et sauf mais, pour le moment, il ne faut plus envisager d’évacuation pour les survivants de l’ Italia auxquels maintenant Lundborg est venu s’adjoindre. Aucune base du Grand Nord ne dispose d’autres avions montés sur des skis. Il faudra en faire venir d’ailleurs, les équiper, ce qui veut dire construire de toutes pièces le train d’atterrissage. Déjà l’on s’y emploie mais il ne faut pas se leurrer : cela prendra du temps. L’évacuation des hommes de la tente rouge est remise sine die.
    Après une étape au camp suédois, Nobile a été transporté sur la Città di Milano . L’annonce du capotage de Lundborg l’a anéanti. L’accueil de Romagna l’achève.
    Tout gonflé de sa propre importance, non seulement le commandant balaye de la main l’admonestation du général quant à l’étrange comportement de la radio de son bord – « Général, si la logique doit servir à quelque chose, nous avions bien le droit de penser que vous étiez dans l’impossibilité de transmettre, et qu’il était donc inutile de vous écouter » – mais il pose une question qui ouvre à Nobile d’angoissantes perspectives :
    — Général, il est évident que certains pourront critiquer le fait qu’on vous ait évacué le premier.
    Le ton se fait encore plus sentencieux :
    — Vous devriez fournir quelques explications à ce sujet.
    Nobile bondit, rappelle la phrase de Lundborg sur les ordres qu’il a dit avoir reçus. Romagna se fait franchement hostile :
    — Jamais nous n’avons donné d’ordres à Lundborg.
    Voilà Nobile en position d’accusé. Il s’explique. Longuement, trop longuement. Et quand Romagna, de plus en plus sèchement, lui déclare qu’il serait bon d’adresser sans délai un rapport à Rome, il obtempère. Au lieu de se borner à une simple relation des faits, il se jette dans une interminable apologie de ses propres faits et gestes – très exactement comme s’il se sentait coupable. Ce texte sera présenté bientôt par ses ennemis fascistes comme une pièce lourdement à charge.
    Où en est l’ingénieur distingué, le mince et élégant général de naguère ? Quand il s’est vu dans la glace de sa cabine, il a reculé, épouvanté : son visage amaigri, émacié, est devenu noir, incrusté de crasse et de graisse. Sa barbe hirsute, est plus grise que noire. Ses vêtements répandent une odeur fétide.
    Tout cela n’est rien à côté de cette évidence : il est sauvé, lui, le chef, et ses compagnons ne le sont pas. Pour le moment, aucun avion ne peut plus atterrir près de la tente rouge. Une équipe de secours partie à pied sur la glace avec le chasseur alpin Sora et son guide Van Dongen a disparu. Un seul espoir : le brise-glace soviétique. Où se trouve donc le Krassine  ?
     
    Le navire soviétique, brisant les glaces, écrasant le pack, a poursuivi sa marche vers le nord. Le 3 juillet, soudain, il s’est immobilisé : le gouvernail est faussé, une pale de l’hélice tribord est brisée.
    Reste l’avion que le Krassine porte à son bord. Le 8 juillet, il prend l’air. Il revient sans rien avoir vu. Le 10 juillet, nouvelle tentative. Deux heures plus tard, message du pilote, Tchouknovski : « Nous

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