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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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gens venir jusqu’à lui. Mussolini lui a même envoyé son chef de cabinet. Une immense foule avait envahi la gare de Rome. Preuve que le peuple d’Italie était si ému par le retour de ceux qui avaient tant souffert sur le pack !
    Étonnant décalage. D’un côté la ferveur populaire, de l’autre la réprobation officielle.
    Ce que reproche le gouvernement à Nobile, c’est d’avoir failli à la règle qui veut que, sur un navire qui sombre, le capitaine reste le dernier à bord. Nobile, avec véhémence, avec fièvre, puis avec colère, explique, se défend. Ses camarades confirment ses dires : le général voulait réellement partir le dernier. C’est le pilote Lundborg qui lui a fait violence. Nobile a cru sincèrement obéir à des ordres . De sa cabine de la Città di Milano , il a pu coordonner les recherches. Ce que nul autre que lui n’aurait pu faire. Le gouvernement italien maintient sa position.
    Ce n’est là, on l’a compris, qu’un prétexte. Les fascistes sont ravis d’avoir découvert l’argument qui va perdre définitivement ce trublion.
    On réunit une commission d’enquête qu’Italo Balbo a composée uniquement d’ennemis de Nobile. S’étonnera-t-on qu’elle ait condamné le général ? Le héros blessé gît moralement à terre. On veut le mettre à la retraite, il jette sa démission au visage de ceux qui l’accusent. Il n’est plus rien. Il est ruiné.
    Il acceptera l’offre du gouvernement soviétique de construire des dirigeables en Russie. En pleine purge stalinienne, il parvient à mettre sur pied une importante industrie. Après quoi, ce sont les États-Unis qui l’appellent. Il ne retrouvera l’Italie que pendant la Seconde Guerre mondiale.
     
    L’ affaire Nobile continue de diviser les esprits. Après la guerre, les archives s’ouvrent, les langues se délient. Tout confirme que ce qui a perdu Nobile, c’est un complot fasciste contre le démocrate qu’il était. Jean Malaurie rappelle que Shackleton, en 1916, lors de la perte de l’ Endurance , a quitté les vingt-deux naufragés de son expédition pour quérir du secours en parcourant, en 137 jours, 1 200 kilomètres à travers la « terrible mer de Weddell ». Il rappelle que Knud Rasmussen, en 1917, a laissé au cap Agassiz, en Terre d’Inglefield, ses quatre coéquipiers affamés pour aller chercher du secours auprès d’Esquimaux stationnés 200 kilomètres au sud. Il souligne que les résultats scientifiques de l’expédition de 1928 se sont révélés considérables. Faut-il l’oublier ?
    Peu à peu, les réticences s’amenuisent, les hostilités s’apaisent. Les années coulent.
    Nobile survit, mais il suffit d’un ouvrage qui reprenne l’éternelle accusation, d’un article où l’on critique de nouveau son choix de 1928, pour que la vieille blessure se rouvre. On ne le laissera donc jamais en paix ? Alors, il saisit sa plume, écrit aux journaux, publie des livres, enregistre des émissions de radio, parle à la télévision.
    C’est un géant à jamais meurtri qui disparait en 1978, à quatre-vingt-quatorze ans. Il a vu, l’un après l’autre, ses compagnons de la tente rouge glisser dans la mort. Il reste seul.
    Lui que l’on a si souvent accusé d’être parti le premier, il demeurera, pour l’ultime expédition, le dernier.

XIII

Le rapt
du bébé Lindbergh
    1 er mars 1932
    La nurse fit irruption dans la bibliothèque où, assis à son bureau, travaillait Charles Lindbergh. Elle s’appelait Betty Gow et paraissait très agitée :
    — Colonel, dit-elle d’une voix qui tremblait, avez-vous le bébé ?
    Lindbergh, surpris, la regarda.
    — Non. N’est-il pas dans son berceau ?
    — Il n’y est pas.
    Dans l’instant, Lindbergh fut debout. Pour sortir de la pièce, il bouscula la nurse, s’engagea dans l’escalier qu’il gravit quatre à quatre. Betty suivit comme elle put.
    L’aviateur s’engouffra dans la chambre du bébé. Située au premier étage, à l’angle de la grande maison que les Lindbergh avaient fait construire au milieu des bois, cette pièce spacieuse était dotée de trois fenêtres : une porte-fenêtre au sud, deux fenêtres simples au sud-est. Le petit lit en bois d’érable était protégé par un paravent rose et vert sur lequel se voyaient une école et des animaux. Sous la porte-fenêtre, le coffre où l’on rangeait ce que le petit Charles – âgé de vingt mois – possédait de plus précieux, ses jouets. Sous la

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