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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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fenêtre sud-est, un autre petit coffre. Sur la cheminée, un coq en porcelaine et deux autres oiseaux. Au milieu de la pièce, une petite table en érable et une chaise d’enfant : tel était le décor, tendre et douillet, voulu par Charles et Anne Lindbergh pour leur premier enfant.
    Projetant en avant son long corps filiforme, Lindbergh fut en deux enjambées auprès du berceau. Il était vide.
    Chaque soir, en couchant l’enfant, Betty fixait au matelas, avec deux épingles de sûreté, la couverture et les draps. Ainsi était-elle sûre que Charles Jr. ne se découvrirait pas. Couverture et draps apparaissaient bien en place. On n’avait pas touché aux épingles. En se penchant, Lindbergh put apercevoir – distinctement – la trace de la tête de son bébé imprimée, en creux sur l’oreiller.
    Lindbergh ne parvenait pas à croire que tout cela était réel. Soudain, il s’arracha à sa contemplation, courut à sa chambre – où se trouvait sa femme – ôta de l’armoire une carabine et regagna en courant la nursery, cependant que Anne le suivait en se tordant les mains.
    Avait-il cru que le ravisseur serait encore dans la nursery ? Devant le petit lit, il laissa retomber le bras qui brandissait la carabine et, comme pénétré de son impuissance, il se retourna vers sa femme :
    — Anne, ils ont volé notre bébé.
    Presque à voix basse, elle répondit seulement :
    — Oh ! mon Dieu…
     
    Pour toute une génération, il fut le héros absolu. La terre entière non seulement admira Charles Lindbergh mais l’idolâtra. Elle communia avec les cent mille Parisiens accourus au Bourget pour voir atterrir, le 21 mai 1927 à 22 h 22, ce minuscule monoplan, le Spirit of Saint Louis , piloté par l’homme qui, pour la première fois, venait de vaincre l’Atlantique. En quelques minutes, le jeune aviateur impécunieux était devenu l’homme le plus célèbre de son temps. Certes, il avait réussi un exploit sans précédent, mais il correspondait merveilleusement à l’image que l’on attendait d’un héros américain, ce trop long garçon, mince, blond, au teint d’enfant, au regard toujours étonné, à la maladresse évidente et à la timidité non feinte.
    Tout avait l’air sain chez Charles Lindbergh. Son grand-père, suédois, avait émigré aux États-Unis en 1860. Charles Augustus, son père, avocat, attorney général et, pendant dix ans, député au Congrès, avait épousé Evangéline Land, professeur de sciences à l’École supérieure de Little Falls. Les Land, eux, se montraient fiers de leur origine anglaise. Le grand-père maternel de Charles, dentiste, était d’une prodigieuse habileté manuelle dont son petit-fils devait hériter  (45) . C’est d’ailleurs dans la maison de son grand-père Land, à Détroit, que Charles Lindbergh était né le 4 février 1902.
    Une enfance cahotée : l’hiver à Washington pendant les sessions du Congrès, l’été dans le Minnesota. De nombreux séjours à Détroit chez le grand-père dentiste, de fréquents déplacements d’un État à l’autre, ceci jusqu’en Californie.
    Douze écoles en dix années. C’est beaucoup. Les parents expliquaient les échecs de leur fils par les incessants déplacements auxquels on le contraignait. Sans doute la vérité était-elle que le jeune Lindbergh bâillait aux enseignements trop théoriques et qu’il avait soif de concret. Il se crut destiné à la mécanique, s’inscrivit en 1920 à l’École des ingénieurs de l’université du Wisconsin. Il ne devait y accomplir que trois semestres. Entre-temps, il avait découvert l’aviation.
    Il pensait aux avions depuis que, tout enfant, étendu sur le dos dans l’herbe des prairies de Little Falls, il observait pendant des heures les nuages qui couraient dans le ciel. Il se disait alors : « Comme il serait merveilleux d’avoir un aéroplane, des ailes qui permettraient de monter jusqu’à ces nuages, d’en explorer les grottes et les failles, des ailes comme ce faucon qui tourne au-dessus de moi  (46) . » Le petit Lindbergh en était sûr : s’il disposait d’un avion, il chevaucherait le vent.
    Un été – peut-être celui de 1912 – il jouait dans sa chambre au premier étage, quand il entendit un bruit de moteur. Ce n’était pas celui d’une automobile. Sortant par la fenêtre, il grimpa sur le toit. Il aperçut dans le ciel un singulier appareil avec hélice à l’arrière : « À moins de 200 mètres, volant

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