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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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mais je vous suggère d’opérer avant que les conditions atmosphériques, actuellement parfaites, ne changent. »
    Est-ce ce message qui a décidé le lieutenant suédois Lundborg ? Ou plutôt le goût du risque ? Las de servir dans un pays dont la neutralité s’était depuis un siècle muée en dogme, Lundborg s’était engagé pendant la Grande Guerre dans l’armée allemande et y avait gagné la croix de fer. Après l’armistice, la paix lui pesant, il avait rejoint les rangs des Finlandais pour se battre contre les Russes. La Rose blanche avait récompensé ses faits d’arme. Après quoi, il avait réintégré sans joie l’aviation suédoise.
    Pour sauver Nobile et les siens, le pilote Lundborg va faire choix d’un petit Fokker monté sur skis. Le 23 juin, à 22 heures, accompagné par son camarade Schyberg, lieutenant pilote, ayant soigneusement repéré la position des survivants, il décolle de Murchison vers le nord-est. Une heure plus tard – une heure seulement – le Fokker survole la tente rouge et repère la « piste » – combien exiguë – signalée par Nobile. Lundborg dira qu’« une cour d’usine lui aurait semblé préférable ». N’importe, il tente l’atterrissage, les skis écrasent la glace, l’appareil rebondit. Epouvantés, les hommes de l’ Italia le voient cahoter, parvenir en bout de piste où sûrement il va s’écraser. À l’extrême limite, il stoppe. Il est 23 heures.
    Lundborg laisse Schyberg aux commandes car il faut maintenir le moteur en marche. Il saute sur la glace. Hirsutes et épuisés, noirs de crasse, riant et pleurant à la fois, Viglieri et Biagi courent au-devant de lui. Avec une politesse de grand style, Lundborg coupe court aux effusions et les interroge :
    — Le général peut-il marcher ?
    De la tête, ébahis, les deux Italiens font non. Voilà qui n’embarrasse pas le Suédois. Il annonce qu’il ira donc chercher le général.
    Viglieri et Biagi esquissent une protestation. Nobile a soigneusement établi l’ordre des évacuations. Il a accordé une priorité à Cecioni, blessé. Behounek qui, peu entraîné, a beaucoup souffert, doit suivre. Le troisième sera Trojani qui, depuis quelque temps, souffre de violentes douleurs intestinales. Viglieri, en bonne santé, suivra, puis Biagi. En tant que radio, celui-ci restera le plus longtemps possible au campement. Après quoi – seulement – viendra le tour de Nobile. « Telle est son irrévocable décision. »
    C’est là ce que Viglieri et Biagi tentent d’expliquer au Suédois. D’ailleurs, ajoutent-ils, Trojani est déjà en train d’installer le premier partant, Cecioni, sur un traîneau pour le conduire à l’avion.
    Un geste de Lundborg qui signifie : sans importance. À grands pas, il se dirige vers la tente rouge. Pour l’accueillir, Nobile, s’appuyant sur une manière de béquille, s’est tant bien que mal dressé. Le Suédois marque un temps d’arrêt. Pour la première fois, il paraît frappé. Il dira que ce qui l’a le plus impressionné c’est la barbe de Nobile, cette barbe qui littéralement dévorait ce visage si fin. Il retrouve vite sa présence d’esprit, dit qu’il est venu chercher le général. Il les emmènera tous cette nuit même, Nobile doit partir le premier.
    — Impossible, lance le général.
    Il montre Cecioni que l’on achève d’équiper pour le vol. C’est lui qui doit partir, ainsi en a-t-il décidé. Mais Lundborg secoue la tête :
    — Non, mon général. J’ai des ordres.
    Des ordres ? Quels ordres ? Est-ce Romagna, parlant au nom des autorités italiennes, qui les a donnés ? Il l’a formellement nié. Les supérieurs suédois de Lundborg ? À quel titre l’auraient-ils fait ?
    Peut-être le pilote se référait-il à des propos malgré tout tenus par Romagna. Deux jours plus tôt le commandant de la Città di Milano avait longuement demandé par radio à Nobile des conseils et des instructions pour guider la recherche de l’épave de l’Italia et des six hommes que le dirigeable avait emportés. Nobile avait tenté de répondre mais la transmission s’était révélée si défectueuse que nul n’y avait rien compris. D’où le souhait exprimé que Nobile fut rapatrié le plus vite possible pour présider – lui seul pouvant le faire efficacement – aux recherches.
    Un souhait – assurément pas des ordres –, mais Lundborg, regardant bien en face Nobile, a dit :
    — J’ai des ordres.
    Tout

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