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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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glisse, amorce une descente, l’une de celles que l’on baptisera plus tard « en cheminée ». Le cœur d’Alice bat à grands coups. Terrifiée, elle voit son mari se soulever de son siège, ramper vers la queue de l’appareil. Le glissement se ralentit, la Libellule revient à plat, perd sa vitesse, et, avec une relative lenteur, s’écrase au sol.
    C’est une ruée vers la machine en morceaux. Alice court aussi vite que le lui permet sa jupe entravée. Des débris de ce qui fut la Libellule , Blériot, couvert de poussière, est déjà sorti en souriant. Il recommencera.
     
    Il recommence. De l’atelier, les modèles sortent, se suucèdent. Voilà le BL VI, le VII, le VII  bis , le VIII, le VIII  bis . Tous volent. Mais tous tombent. On finit par appeler Blériot : l’homme qui tombe toujours. Un journal imprime méchamment : « Encore une chute de Blériot. La dernière, espérons-le ! »
    Il faut être juste : chaque appareil marque un progrès sur le précédent. Malgré tout, Blériot reste encore loin derrière ses concurrents. Farman vole sur les biplans construits par Voisin. Finis les bonds, les sauts de puce. L’été de 1908, on accomplit de vrais vols. Le 30 octobre, Farman vole 27 kilomètres, du camp de Châlons au camp de cavalerie de Reims. La France entière acclame le premier vol de ville à ville . On n’en est plus au stade de l’exhibition : on découvre que l’avion est un moyen de transport.
    Blériot s’affronte à son tour aux longues distances. Il vole 7 kilomètres. Il aurait tant voulu être le premier pour le ville à ville  ! Il enrage que ce Farman l’ait « doublé ». Le lendemain, 31 octobre, il va prendre sa revanche. Il part de Toury, en Beauce, à bord du VIII  ter , se dirige vers Artenay, atterrit pour réparer une panne de magnéto, repart et revient à Toury. Il a accompli 28 kilomètres à 80 à l’heure. Il a fait mieux que Farman : il a voyagé comme lui de ville à ville, mais avec retour au point de départ.
    Du coup, la presse embouche les trompettes de l’enthousiasme : ce voyage restera dans l’histoire de l’Aviation . Et un journal se demande déjà où pourront atterrir, dans la traversée de la capitale, les aéroplanes qui bientôt sillonneront Paris .
    Ce qu’il faut bien savoir, c’est que tous ces appareils sont à la lettre improvisés. Dans l’atelier de Neuilly, Blériot pose les problèmes. Sa petite équipe d’ouvriers les résout à l’établi. Longtemps, Blériot n’a fait travailler que Peyret. Maintenant, Peyret est contremaître. Quand Blériot arrive à Neuilly, il traverse la cour d’un pas pressé. L’atelier s’ouvre au fond. Un hangar sommaire, aux murs en planches, au toit recouvert de toile goudronnée.
    — Bonjour, patron.
    C’est la voix aiguë de Lepelletier, le menuisier sourd, qui accueille Blériot. Il travaille à droite, près de l’entrée. Un cœur d’or et une adresse extraordinaire.
    L’arrivée du patron n’interrompt pas le travail. Chacun est à sa place, précis, affairé. Au milieu de l’atelier, Robert Grandseigne, petit, râblé, grosse moustache à la gauloise, termine l’entoilage du fuselage. Ancien ouvrier d’art, commis faubourg Saint-Antoine, il a quitté l’ébénisterie pour la mécanique. Le moteur, c’est la spécialité de Collin. Quelques mois auparavant, Collin a, sans s’en douter, fait une invention considérable : ce qu’on appellera la « cloche Blériot », un autre manche à balai. La première fois que Blériot a manœuvré le manche, il a répété pendant plus d’une heure, sans se lasser, la manœuvre. Toute sa vie, Collin se souviendra de cette minute où Blériot, visiblement fou de joie, a joué avec un mécanisme dont l’invention marquait une étape de l’aviation.
    Aux machines-outils, Bertrand, « l’ancêtre » – il a au moins trente-cinq ans – est d’une extraordinaire habileté. Allant de l’un à l’autre, l’apprenti, dégourdi, éveillé, cherche à tout comprendre. C’est P’tit Louis. Dans l’atelier, Julien Mamet entoile les ailes. Mamet est attaché au patron pour tous les essais extérieurs. Un beau garçon dont la moustache frisée a beaucoup de succès auprès des jeunes personnes du quartier.
    Chaque jour, Blériot passe au moins une heure dans son atelier : son plaisir. Il s’en va ensuite gagner de l’argent. Cela coûte cher les « recherches aéronautiques ». Un ouvrier, boulevard

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