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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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sa jambe. Tant pis. Elle ira mieux dans quelques jours. L’air marin hâtera la cicatrisation ! Alice soupire. Louis n’en fait jamais qu’à sa tête. Il y a des années qu’elle le sait.
    Le timbre du téléphone. Alice décroche, passe le récepteur à son mari.
    — Cher ami, vous l’avez !
    — Quoi donc ?
    — La croix, voyons !
    C’est de bon augure.
    Le 19 juillet, Blériot signe la lettre au Daily Mail par laquelle il se porte candidat au prix pour la Manche.
     
    Le BL XI a déjà été expédié sur un wagon plateforme avec Collin et Mamet. Le 21 juillet, à Calais, une jolie femme, souriante sous la voilette, descend, à 12 h 45, d’un compartiment de première classe. Elle aide un monsieur vêtu de gris à mettre pied sur le quai. Le monsieur paraît souffrir. Sa jambe est bandée. En pantoufles, il ne se déplace qu’appuyé sur des béquilles. Louis Blériot et son épouse viennent rejoindre le BL XI.
    Une voiture les attend. Celle d’Alfred Leblanc, ami de la famille. Tous les trois partent pour l’hôtel Terminus. À peine arrivé, Blériot doit s’allonger. Dans son visage creusé, livide, la moustache et les épais sourcils paraissent plus noirs encore. De son ton toujours tranchant, il explique à Leblanc :
    — … douleurs… intolérables.
    Dehors, le vent souffle, la pluie fouette les vitres.
    — … Jamais vu de mois de juillet comme ça !
    Même s’il faisait beau, pourrait-il voler ? Sa jambe. Et il y a l’autre, Latham, qui est revenu à Sangatte. Son Antoinette réparée, il est déjà prêt à renouveler sa tentative.
    À 15 heures, Leblanc emmène Blériot à la recherche d’un abri pour le monoplan et d’un endroit pour décoller. On prend la route de Wissant. Voici les Baraques, à trois kilomètres de Calais. Quelques maisons devant la mer, un petit hôtel pour pensionnaires au budget étroit : l’hôtel des Dunes. Une ferme : la ferme Gri-gnon. Il y a là un grand hangar, un terrain suffisant pour pouvoir décoller. Aussitôt Blériot tranche : c’est ici.
    Jusqu’aux Baraques, sur une charrette, on achemine les ailes pliées dans des caisses. Le monoplan lui-même est traîné par un cheval de trait : quel contraste ! Une tente est adossée au mur nord du hangar. Collin et Mamet vont commencer tout de suite le montage de l’avion.
     
    23 juillet. Blériot a passé une mauvaise nuit. Dès qu’il ouvre l’œil, sa colère éclate : pourquoi ne l’a-t-on pas éveillé à l’aube ? On lui montre, au-delà des vitres, la pluie qui tombe en rafales.
    Latham, lui, « homme du monde » jusqu’au bout, vient l’après-midi saluer Blériot. Un peu plus tard, pour ne pas être en reste, Blériot lui rend, à Sangatte, sa visite. Le soir, à 20 heures, deux journalistes, Charles Fontaine et Robert Guérin, du Matin , se font annoncer chez Blériot. Fontaine va partir pour Douvres. Si le temps devient meilleur, il enverra une carte postale. Ironie de Blériot : le temps que la carte postale arrive, il espère bien avoir pris l’air !
    Le 23, l’Italien Anzani, le bouillant constructeur du moteur – que Blériot n’a pu encore payer – arrive aux Baraques. Une vraie charge de dynamite, cet Anzani qui emplit de ses vociférations éclatantes la cour de la ferme Grignon, les couloirs de l’hôtel des Dunes et invective le ciel, car le temps demeure bouché, implacablement.
    Comme promis, le journaliste Fontaine a pris le bateau pour Douvres et là s’en mis en quête d’un terrain où Blériot puisse atterrir. Il s’est aperçu que les falaises étaient trop hautes, la plage trop encombrée. Mais, du côté du château, de l’autre côté de la ville, il a découvert une anfractuosité en forme de cuvette et… un terrain de golf ! Pas de doute : l’endroit idéal.
    Aussitôt, Fontaine achète des cartes postales où se voit distinctement le terrain convoité, ainsi qu’un plan du port de Douvres. Il remet le tout à un contrôleur de bateaux qui part pour la France, avec une enveloppe sur laquelle il a écrit : « À remettre à M. Blériot à son réveil. »
    Le 24, le temps est toujours exécrable. Incapable de rester à broyer du noir dans sa chambre de Calais, en dépit de sa plaie qui supure et l’empêche de fermer l’œil, Blériot se fait chaque jour transporter aux Baraques. Toujours appuyé sur des béquilles, il tourne autour du BL XI. Au camp, l’angoisse pèse sur tous les compagnons du

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