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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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viens.
    Calmette n’a pas à prendre la peine de chercher une réponse. Tout va très vite. Brusquement, Mme Caillaux sort sa main droite de son manchon. Cette main tient un revolver. Elle tire.
    Gaston Calmette va mourir dans la nuit.
    Un fait divers ? Non. Beaucoup plus qu’un fait divers. L’histoire de Mme Caillaux met en scène des individus, des actes parfaitement contradictoires. Elle va dévoiler d’inexpiables passions, des antagonismes sans appel. Alors que se profile la menace qui aboutira à la Première Guerre mondiale, à l’arrière-plan des cinq coups de revolver tirés par Mme Caillaux sur un journaliste, de formidables haines politiques vont s’affronter. Au travers de ce drame, c’est peut-être la guerre et la paix qui hésitent.
     
    Au centre de tout, un personnage . Il faut aimer les personnages. Il faut s’attacher à ces hommes qui tout à coup bousculent le train-train de l’Histoire.
    Ici, le personnage s’appelle Joseph Caillaux. Le plus original, le plus fracassant des hommes politiques qui se soient illustrés sous la troisième République. L’un des plus admirés, sans doute. L’un des plus détestés, sûrement.
    Un grand bourgeois de la Sarthe, fils d’un ministre de Mac Mahon. Reçu brillamment à l’inspection des Finances, ambitieux, entreprenant, impatient, il ne s’est guère attardé dans la fonction publique. À trente-cinq ans, il était élu député de Mamers. Un an plus tard, en 1899, il était déjà ministre des Finances sous l’autorité de Waldeck-Rousseau. Très vite, il a manifesté une intelligence hors de pair. Un technicien, certes, mais allant bien au-delà de la technique. Ce petit homme mince, cambré, d’une élégance raffinée était très jeune devenu chauve, presque intégralement. Excellente façon de ne plus vieillir. Sur la jaquette du bon faiseur, un œillet. À l’œil, un monocle. Sur tout cela, de l’insolence. Ce politique dont les options se situeront de plus en plus à gauche, reste un aristocrate. « Il a la classe, dit Charles-Maurice Chenu, témoin du procès de sa femme, il piaffe comme un cheval de pur sang et méprise en secret les lourdauds et les croquants, amis ou ennemis  (5) . »
    Depuis 1899, il a été cinq fois ministre. En juin 1911, il est devenu président du Conseil. Une promotion qui marquait la fin d’une évolution, car le ministère Caillaux de 1911 se situait franchement à gauche. Un contraste de plus. Ce talon rouge se réclamait désormais d’une politique de justice sociale et de paix. Une exigence traduite, à l’intérieur, par une campagne en faveur de l’impôt sur le revenu. À l’extérieur, par un combat au moment d’Agadir. En négociant avec l’Allemagne, en obtenant de garder les mains libres au Maroc, Caillaux a sauvé la paix pour trois ans, permettant à notre état-major de se réorganiser. Il n’a épargné aucun moyen, négociant publiquement et secrètement. L’affaire d’Agadir l’a consacré grand homme d’État mais elle a déchaîné contre lui des sentiments violents. Il se montrait si personnel, si cassant, qu’il irritait aussi bien ses adversaires que ses amis. Il ne supportait pas la contradiction, éclatant sans cesse en colères et foucades. Il se montrait vaniteux, orgueilleux « jusqu’à l’enfantillage », dit Jacques Chastenet.
    Et puis sa vie privée était agitée. Il se voulait passionné en amour comme en politique. Il s’est marié en 1906 une première fois avec l’épouse divorcée d’un de ses collaborateurs, de son nom de jeune fille Mlle Gueydan, une très belle femme brune de beaucoup d’allure. Dès 1908, il a rencontré une jeune femme, Henriette Rainouard, épouse divorcée du journaliste Léo Claretie, plus discrète que l’épouse légitime, l’air doux, un peu effacé, aussi blonde que l’autre était brune. Aussitôt, de nouveau, la passion. Henriette est devenue sa maîtresse, sa « Riri » quand il lui écrivait, cependant qu’il signait : « Ton Jo. »
    Cette vie double s’est poursuivie jusqu’au moment où une lettre compromettante est venue tout apprendre à l’épouse. Il s’est excusé, a tergiversé, menti, avoué, promis de ne plus revoir Riri. Bien sûr, il n’en a rien fait. Tumultueuse, la liaison a continué. Un beau jour, ouvrant un tiroir de secrétaire avec la clé d’un autre meuble, Mme Caillaux a découvert une correspondance, des lettres de Riri et deux lettres de son mari à Riri. Alors,
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