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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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Calmette a ressenti la chute de Barthou comme la sienne propre. Or on avait attaqué Barthou sur deux points : Jaurès avait juré de venir à bout du service militaire de trois ans, Caillaux avait juré de faire triompher l’impôt sur le revenu. Deux positions qui, littéralement, faisaient horreur à Calmette. Il semble bien que Calmette, patriote sincère, ait été épouvanté par la menace allemande. Mais la campagne qu’il va conduire contre Caillaux n’aurait probablement pas été aussi virulente si l’impôt sur le revenu n’était pas en cause. Calmette, comme sa clientèle du Figaro , ne peut supporter le principe même de cet impôt.
    Rarement a-t-on vu dans la presse une attaque d’aussi grande envergure et menée avec autant de méthode. Tout commence en janvier 1914. Calmette accuse Caillaux d’être le président de banques étrangères et de toucher d’énormes jetons de présence. Or Caillaux a démissionné de ces présidences dès son arrivée au pouvoir. Calmette dévoile une intervention de Caillaux qui aurait dû rapporter 6 millions à un M. Schneider, lequel en devait ristourner 80 % à la caisse électorale de Caillaux. Or M. Schneider a démenti catégoriquement et même a attaqué Calmette en diffamation. Ce ne sont que broutilles. Le Figaro continue de plus belle en dévoilant que le Comptoir d’escompte a versé 400 000 francs à la caisse de Caillaux. Or le Comptoir dément avec force.
    Chaque jour, les lecteurs du Figaro découvrent une nouvelle affaire, une nouvelle attaque, un nouveau « scandale ». On accuse Caillaux de trafic d’influence, on dénonce ses coups de Bourse, sur la rente notamment. Rien de décisif, certes, mais ces banderilles quotidiennes seraient venues à bout de l’épiderme le plus coriace.
    Chez les Caillaux, le climat est devenu très lourd. Chaque matin, Henriette ouvre le Figaro l’angoisse au cœur. Fiévreusement, elle court à la découverte de nouvelles infamies, puis pose le journal sans mot dire sur la table. Caillaux, furieux, le crâne empourpré, jette à terre la feuille. Henriette souffre, profondément. C’est elle, bien plus que son mari, que la campagne atteint.
    Elle admire, elle aime Joseph Caillaux. Contre Calmette lui viennent des accès de fureur : pourquoi ? pourquoi ?
    Or le pire est à venir.
     
    Le 10 mars, Calmette attaque derechef. Il accuse Joseph Caillaux d’avoir fait pression, en mars 1911, sur le président de la Chambre des appels correctionnelle, M. Bidault de l’Isle, pour obtenir une remise en faveur d’un certain Rochette. Qui est ce Rochette ? Un homme d’affaires aux larges ambitions, habile à drainer l’épargne au profit d’affaires d’envergure, parfois un peu légèrement lancées. Tantôt il réussit, tantôt il échoue. Le certain, c’est que ce Rochette était, en 1911, sous le coup d’une inculpation. C’est alors que Caillaux aurait exigé une remise qui aurait fait acquérir à Rochette le bénéfice de la prescription et lui aurait permis de soutirer 60 nouveaux millions à l’épargne. Calmette, en dévoilant toute l’affaire, demande que l’on interroge les témoins : M. Bidault de l’Isle, le procureur Fabre. Il conclut : « L’affaire Rochette, la commission d’enquête et M. Jaurès ne l’ont jamais connue. Ils l’ont devinée, pressentie… Eh bien ! la voilà ! » Voilà surtout la plus redoutable attaque à laquelle Caillaux ait eu à faire face.
    Il se souvient très bien de l’affaire Rochette. Les avocats menaçaient de dévoiler au procès les noms des politiciens en rapport avec l’affairiste. Caillaux ne voulait pas d’un nouveau scandale de Panama. On lui affirmait qu’avec un peu de temps Rochette parviendrait à assainir ses affaires. Il a demandé la remise, par l’intermédiaire du président du Conseil d’alors, Monis. Seulement, Monis a sommé un peu trop brutalement le procureur Fabre d’obtenir cette remise. Fabre, ulcéré, considérant cette intrusion comme une atteinte à son honneur, a rédigé un rapport. Cette confession, il l’a copiée en deux exemplaires, l’un pour lui-même, l’autre qu’il a remis au garde des Sceaux, Aristide Briand. Pour Caillaux, une certitude : si Calmette connaît aussi bien l’affaire Rochette, c’est parce que le document Fabre lui a été communiqué, soit par Briand, soit par son successeur, Barthou. Va-t-il le publier ?
    Calmette ira-t-il plus loin ? En 1911, au moment d’Agadir,
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