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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1
Autoren: Alain Decaux
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accouru. Il voit son patron à terre. Il court à Mme Caillaux, la désarme. Très digne, elle lance :
    — Ne me touchez pas, je suis une dame !
    Toujours la Belle Époque.
    Les journalistes, les employés du journal accourent. On relève Calmette, on l’assied dans un fauteuil. Il esquisse un sourire, murmure :
    — Je vous prie de m’excuser.
    Puis :
    — Je ne suis pas très bien.
    Mme Caillaux lance :
    — Puisqu’il n’y a pas de justice en France…
    On lui impose silence. Déjà, voici les médecins, l’ambulance. On emporte Calmette sur un brancard. Il murmure encore :
    — Dites bien que j’ai fait mon devoir.
    On l’emmène à la clinique Hartmann à Neuilly, où l’on hésitera de longues heures avant de l’opérer. Cette hésitation lui sera fatale. Il mourra sur la table d’opération sans avoir repris connaissance.
    Henriette a été conduite au commissariat. Un peu plus tard, Caillaux survient, passant à grands pas devant un agent médusé à qui, de son air souverain, il lance :
    — Vous pourriez me saluer !
    Il retrouve là Malvy, ministre de l’Intérieur, le procureur Lescouvé, le docteur Paul, Ceccaldi. Il doit fendre une foule compacte d’inspecteurs, de journalistes, de photographes. Il aborde sa femme, lance :
    — Qu’as-tu fait ?
    Elle répond :
    — On m’a introduite dans un bureau obscur, j’ai perdu la tête et j’ai tiré.
    Au commissaire de police, M. Carpin, Henriette a déclaré :
    — Je regrette profondément mon acte. Je ne voulais pas donner la mort.
    Déjà la foule s’est ameutée rue Drouot. On entend des cris qui, de minute en minute, s’enflent :
    — Assassins ! Assassins !
    Le commissariat est assiégé. On devra faire sortir Henriette par une porte de derrière et l’emmener en taxi.
    Trois mille personnes manifestent sur le boulevard, conduites par Maurice Pujo, le chef des camelots du roi. On conspue Caillaux, sa femme, le régime. Henriette vient de se voir attribuer à la prison Saint-Lazare la plus belle cellule, dénommée « pistole de la comtesse ». Aux cent coups, le directeur l’a fait astiquer par quatre détenues. Pour le lit, il a fait apporter la couverture de sa propre épouse. Tout de même, il refusera les fleurs que l’on commence à envoyer.
     
    Plus de dix mille personnes suivront les obsèques de Calmette en scandant le même cri :
    — Assassins ! Assassins !
    Le Figaro s’acharne toujours. Toute la presse, en titres énormes, a rendu compte du meurtre. Paradoxalement, à la Chambre, quand Barthou a lu le document Fabre, celui-ci a fait long feu. Le geste de Mme Caillaux a effacé tout le reste. Caillaux a démissionné. Pour une grande partie du personnel politique, il n’existe aucun doute : sa carrière est achevée. Un mot court Paris : les balles de Mme Caillaux ont fait deux morts, Calmette et Caillaux.
    Redressant sa petite taille, vrillant son monocle dans l’arcade sourcilière, Caillaux réplique :
    — Ils disent ça ? Eh bien, ils verront. Ils verront aux élections.
    Sa femme est en prison, mais il ne se sent pas le droit d’oublier les élections. En entrant en campagne, il fait face, une fois de plus. Et il est élu. Triomphalement. Après quoi, il se paie le luxe de provoquer en duel un adversaire qui l’a insulté pendant la campagne. Deux balles sans résultat. Et la joie de Caillaux, immense : c’est une nouvelle majorité que le pays a envoyée à la Chambre. Une majorité qui est avec lui. Contre Poincaré, contre la loi de trois ans.
    Poincaré devrait en tirer la leçon et appeler au pouvoir les leaders de la nouvelle majorité. En tout autre temps, on eût vu un grand ministère Caillaux-Jaurès. D’ailleurs, les deux hommes se sont rencontrés. Si Henriette est acquittée, on le formera, ce ministère. Caillaux sera président du Conseil, Jaurès ministre des Affaires étrangères. On se battra pour la paix.
    Elle en a bien besoin, la paix ! Le 28 juin 1914, les journaux ont annoncé à Paris l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, à Sarajevo. Peu à peu, implacablement, le système des alliances va se mettre en marche, entraînant l’Europe vers le gouffre. Poincaré a appelé Viviani à la présidence du Conseil. Dans les couloirs de la Chambre, on chuchote que c’est un ministère de transition. Pour attendre.
     
    Le 20 juillet, devant une foule énorme qui bloque toutes les issues, s’ouvre la première audience de la Cour
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