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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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champagne.
    Véhiculés « d’état-major en état-major », Guynemer et l’inséparable Guerder finiront cette journée d’apothéose à Compiègne, chez Paul et Julie où le capitaine Siméon a tenu à les conduire. Pour Guynemer, la joie devient absolue, puisque la maison est associée à sa victoire.
    C’est d’ailleurs devant la maison en extase que le capitaine Siméon déclare :
    — Il aura la médaille militaire car il a voulu son Boche, il est allé le chercher.
     
    Brocard a fait contre mauvaise fortune bon cœur. Il a proposé pour le grade de sergent, la médaille militaire et la croix de guerre avec palme, celui que la veille encore il appelait un « bousilleur de zincs ». Guerder aussi a été proposé pour les deux décorations. Le 26 juillet, en présence de Paul Guynemer, le général commandant la VI e armée décore Georges. Au moment de l’accolade, chacun est frappé par son regard glacé, celui qu’il a sûrement reçu au berceau, qui a inquiété ses professeurs, séduit Bernard-Thierry, fasciné d’autres par son orgueil et – l’expression s’impose – son sens tragique. Pour le moment, ceux qui l’aiment ne veulent y voir qu’une preuve de valeur. Védrines par exemple : « C’était son regard qui me faisait comprendre qu’il y avait de l’espoir dans l’avenir de ce môme. »
    N’oublions pas le dialogue historique entre Guynemer et Guerder, le lendemain ou le surlendemain de l’affaire :
    — Dis donc Guerder, c’est bien avec le zinc de Bonnard qu’on a descendu notre premier Fritz ?
    — Oui. Et Bonnard, parce qu’il s’appelle Charles, l’a toujours appelé Vieux Charles .
    — Alors, pour celui-là et tous ceux qui viendront après, ce sera la même chose : Vieux Charles .
    Nous nous attendions à voir Guynemer abattre plusieurs Boches dans les jours qui suivent. Il n’en est rien. Il lui faudra attendre six mois sa deuxième victoire. Il a « touché » un Nieuport et surtout sillonné le ciel à la recherche d’ennemis qui se dérobaient. Il a accompagné Védrines au cours de deux missions spéciales. Pas de Boche à abattre !
    Tout change le 5 décembre 1915. C’est le temps où les pilotes ont obtenu que l’on monte, sur le plan supérieur des Nieuport, une mitrailleuse Lewis qui tire au-dessus de l’hélice. Pour s’en servir, tant elle est haut placée, il faut être un peu acrobate. Qu’importe à Guynemer puisque, enfin, un avion allemand est à sa portée : « Ça s’est passé au-dessus, de la forêt d’Ourscamp, avec un Aviatik. Il y avait une heure et demie que je le guettais…» Dès qu’il l’a aperçu devant lui, Guynemer a vidé sur l’Aviatik quarante-sept cartouches, la totalité d’un rouleau. Touché, l’Aviatik : « J’ai constaté avec joie qu’il tombait en vrille. »
    Trois jours plus tard, Guynemer abat un L.V.G. allemand et note : « Le passager tombe à Bus, le pilote à Tilloloy. » Le 14, c’est un quatrième ennemi qu’il abat. Le 24 décembre 1915 – il a vingt et un ans ce jour-là – il reçoit la croix de la Légion d’honneur.
    Le ruban rouge, le ruban jaune et la croix de guerre rouge et verte avec quatre palmes, « cela, comme dit Henry Bordeaux, vous met en valeur une vareuse noire ». À propos de décorations, le même biographe montre son héros jouant avec celles de son adversaire tombé à Tilloloy… Ses lèvres esquissent un « mince sourire ».
     
    Verdun. L’affrontement de géants, enfer collectif où va s’engloutir la jeunesse de deux peuples, a commencé. Il est logique que l’escadrille des Cigognes s’y engage. Guynemer profite du voyage pour abattre son huitième avion. Le 13 mars 1916 – jour de son arrivée –, il s’élance à la rencontre de l’ennemi. Jusque-là, dans le secteur, les appareils allemands règnent sur le ciel. Ce genre de suprématie n’est pas fait pour plaire à Guynemer. Il éparpille cinq Boches au-dessus de Revigny, en chasse un autre sur l’Argonne. Sur le chemin du retour, en revanche, c’est lui qui est attaqué par trois appareils allemands. À peine a-t-il eu le temps de s’apercevoir de leur présence qu’il est blessé. La moindre des choses : deux balles dans le bras gauche, un éclat dans la mâchoire, un autre dans la joue droite, un autre encore dans la paupière gauche, l’œil resté miraculeusement intact. Sans compter toute une série de petits éclats, « provoquant des hémorragies,

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