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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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bouchant le masque, le collant à la chair ».
    Le sang qui lui inonde le visage l’aveugle. Au prix d’un effort surhumain, il échappe à ses trois adversaires et parvient à atterrir à Brocourt. Le même 13 mars, un as allemand, Immelmann, a abattu deux avions français : ses neuvième et dixième victoires. Il a noté : « Le 13 fut un jour de printemps plus charmant que ne pourrait le décrire un poète. »
    Le printemps de Guynemer ne passera plus par Verdun. Il reprend ses forces dans un lit blanc, comblé de cigarettes, de petits gâteaux et d’oranges. Rappel singulier du temps où les parents apportaient des friandises aux habitués – comme lui – de l’infirmerie de Stanislas.
    Il a peine à se persuader qu’il n’y a que deux ans qu’il a quitté son collège. Il lui semble maintenant que son enfance a été celle d’un autre. Appuyé sur les oreillers qu’on entasse dans son dos, il fume et attend le moment où il retrouvera le ciel et la joie de tuer.
     
    Le 26 avril, avec un bras mal remis et des plaies tout juste cicatrisées, il retourne au front. À peine arrivé, ses chefs le trouvent si mal en point qu’on le renvoie en convalescence. Où serait-il mieux qu’à Compiègne, chez papa et maman ? Il a passé un pacte avec sa sœur Yvonne. Le matin, si le temps est clair, elle vient l’éveiller. Il rejoint Vauriennes et saute dans son Vieux Charles . A-t-il l’autorisation de ses chefs ? Ce n’est pas sûr. Quelle importance ?
    Depuis ses blessures, il s’inquiétait de ses réactions lors de sa première rencontre avec un ennemi. Quand elle se produit, il adopte un comportement qu’il confie à sa sœur à son retour :
    — Les camarades m’avaient prévenu qu’on éprouve dans ce cas-là une impression bien désagréable.
    — Dans quel cas ?
    — Lorsqu’on remonte après avoir été blessé et qu’on rencontre un Boche…
    — Alors, qu’as-tu fait ?
    — Eh bien, j’ai résolu de me soumettre à son tir. Froidement.
    — Sans riposter ?
    — Bien sûr. Je me suis donné l’ordre de ne pas tirer. C’est comme ça qu’on dompte ses nerfs… Le Boche m’a sonné de cinq cents coups pendant que j’évoluais. Il fallait ça : je suis content.
    Cette fois, il n’a pas adopté le ton léger dont il use vis-à-vis des siens. Il est grave, très grave :
    — Ma vie s’est décidée ce matin-là. Sans cette mise au point, j’étais dégonflé…
    Ceux qui ont rencontré Guynemer par la suite ont souvent vu en lui un éternel adolescent. Ils se sont trompés. L’adolescent Guynemer est mort ce matin-là : face à l’Allemand stupéfait qui lui tirait dessus sans qu’il répondît.
     
    Le 18 mai, il rejoint son escadrille. Le 1 er juillet 1916 s’engage la bataille de la Somme.
    Rude partie. L’aviation ennemie s’est considérablement renforcée. Alors que les Français en sont toujours à la Lewis qui tire au-dessus de l’hélice, les Allemands disposent de la Maxims qui – innovation capitale – tire à travers l’hélice. Pour faire face à la furia francese , les Allemands ont choisi de voler en grande formation, jusqu’à vingt appareils qui se couvrent les uns les autres et dont se détachent à point nommé une, deux ou trois unités qui fondent sur l’adversaire isolé. Les Français répondent en volant désormais par avions couplés. Pour équipier, Guynemer choisit Heurtaux qui a remporté le 9 juillet sa deuxième victoire.
    Son carnet de vol enregistre sa neuvième, sa dixième, sa onzième victoire. Un jour, c’est l’as des as allemand, Ernst Udet, qu’il rencontre. Udet s’en est toujours souvenu. Il a vu le Spad – nouvel appareil remarquablement manœuvrier dont dispose l’aviation française – foncer sur lui. Il a viré à gauche. L’autre aussi. Sur le fuselage du Français, Udet a distingué le mot Vieux … Il a compris : Guynemer. L’Allemand s’est dégagé en un demi-looping, suivi d’un demi-tonneau. Il a eu la surprise de voir Guynemer l’imiter en tout point, comme pour le narguer. Tout à coup, une grêle de balles a frappé le plan droit d’Udet. « Peu à peu, écrira le pilote allemand, je m’aperçois qu’il m’est supérieur. Ce n’est pas seulement la machine qui est meilleure, l’homme qui pilote est aussi plus fort que moi… J’essaie tous les moyens : virages très serrés, tonneaux, glissades latérales. Rapide comme l’éclair, il devine chacun de mes mouvements et

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