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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Guynemer… Lieutenant Guynemer… Capitaine Guynemer. Capitaine à vingt-deux ans !
    Yvonne ne saura jamais si son Guynemer l’a aimée. Tout ce dont elle est sûre, c’est qu’il se sent en confiance avec elle. Ce qu’elle comprend vite, aussi, c’est qu’il ne vient pas à Paris seulement pour elle. Il s’occupe de son avion, le fameux Spad, il propose sans cesse des changements au constructeur, M. Bechereau. Il lui faut un appareil toujours plus performant. Ces perfectionnements, il les obtient.
    À l’instar des Allemands, les Français disposent maintenant d’une mitrailleuse qui tire à travers les pales de l’hélice. Guynemer explique à Yvonne que désormais il manœuvre l’avion et tire en même temps. Tout se passe en une seconde. Il tient le Boche là, devant lui, dans son viseur. Il sait bien que c’est l’autre ou lui.
    — Jusqu’ici, ç’a toujours été l’autre.
    Elle en est toquée du petit Guynemer. L’ennui, c’est ce Sacha Guitry qui commence à faire une cour sérieuse à celle qu’il appelle Vonvon. Sacha ne déplaît pas à Yvonne. Coucher avec le talent, voilà qui est nouveau pour elle. Et pas désagréable. Elle a conscience d’avoir jusque-là mal administré sa carrière, d’avoir joué n’importe quoi. Sacha, acclamé par le public, porté aux nues par la critique, écrit déjà pour elle des rôles sur mesure !
    Rien n’y fait : quand le téléphone sonne, quand elle entend la voix de Guynemer, elle court au rendez-vous. Certes, elle deviendra Madame Sacha Guitry, mais elle n’oubliera jamais son petit aviateur.
     
    Impossible de raconter une à une les victoires de Guynemer. Il est tombé sept fois. Sept fois il s’en est tiré. Comment oublier ce combat au cours duquel il a foudroyé trois Fokker en cinq minutes et, son appareil touché, a réussi à se poser en catastrophe dans nos lignes ? L’avion s’est à peu près retourné, le train écrasé, l’empennage dressé à trois mètres du sol. Et lui, Guynemer, vivant !
    Imaginez les poilus qui ont aperçu cela du fond de leurs tranchées. Le secteur est assez tranquille. On peut sortir sans trop de risque. On s’élance pour voir de près l’aviateur. Quelqu’un hurle : c’est Guynemer ! Quoi ? Guynemer ? Le vrai ? On se rue sur lui. On veut le voir, le toucher mais son genou droit a cogné contre la magnéto de départ. Il souffre. Il a reçu un coup sévère entre les épaules. C’est à peine s’il peut se tenir debout. On a prévenu le général commandant la division. Il accourt :
    — C’est vrai que vous êtes Guynemer ?
    Le général fait rassembler les troupes. Il veut que le héros les passe en revue avec lui.
    — Mais je suis blessé, mon général…
    — Blessé, vous ? Impossible. Quand on dégringole du ciel sans se tuer, on est sorcier. Vous vous appuyerez sur moi.
    Il obéit. Tout se brouille devant ses yeux. Il n’ira pas jusqu’au bout, il en est sûr, mais voilà que des rangs de tous ces poilus qui se bousculent avec leurs barbes de huit jours et leurs capotes engluées de boue, s’élève le chant de la Marseillaise. Alors, lui, Guynemer, oublie tout. Il ne sait plus s’il a mal, s’il est blessé. Il lâche le bras du général, affermit son pas et achève de passer les troupes en revue comme s’il était à l’exercice.
     
    Le 28 juillet 1917, il remporte sa cinquantième victoire homologuée mais, écrit-il à son père, « si on avait tout compté, ce serait le double ».
    Ceux qui le rencontrent l’entendent rire un peu trop fort, parler un peu trop haut aussi, cependant que son fameux regard trahit surtout une immense lassitude. Presque tous ses camarades de l’escadrille ont disparu, abattus les uns après les autres. En haut lieu on a voulu l’éloigner plusieurs fois du combat, lui attribuer, comme on disait, « d’autres responsabilités ». Lui, Guynemer, dans un bureau ? Transformé en réclame vivante pour l’aviation militaire française ? Pas question. Son métier, c’est de voler, de supprimer le plus possible de Boches. Rien d’autre.
    L’escadrille s’est transportée dans le Pas-de-Calais, à Saint-Pol. On est près de la mer. Le samedi 8 septembre 1917, Guynemer n’a pu voler : un temps abominablement bouché. À la popote, il a joué aux dès avec son camarade La Tour. Tout à coup, il a eu envie de partir pour Paris. Il l’a dit à Brocard. Et Brocard, toujours le même, lui a répondu :
    — Tu en

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