C'était le XXe siècle T.1
sur-le-champ entraînés et armés.
Armés ? Le 26 juillet 1914, un navire décharge en plein jour à Howth des armes pour les miliciens d’Irlande du Sud : 900 fusils et 25 000 cartouches. Quand les Volontaires veulent les transporter à Dublin, ils trouvent la route barrée par l’armée anglaise. Ils tentent de passer outre. Des environs, la foule irlandaise accourt en renfort. La troupe ouvre le feu. Résultat : 3 morts et 38 blessés. En Irlande du Sud, la honte et la fureur. On compare cette attitude avec celle des forces britanniques stationnées en Ulster qui se sont bien gardées de troubler le débarquement des armes allemandes.
Quelques jours plus tard, l’armée de Guillaume II entre en Belgique. C’est la guerre. La violation de la neutralité belge a soulevé l’indignation de tous les Anglais. Aussi, il faut le dire, celle des Irlandais, qu’ils habitent l’Ulster ou le Sud. Le premier, John Redmond, déclare qu’il faut remettre à plus tard les revendications autonomistes. Les leaders de l’Ulster adoptent la même attitude. Au nord comme au sud, des dizaines de milliers de jeunes gens s’engagent. Ils se couvriront de gloire en Belgique, en France, en Orient. La témérité des troupes irlandaises deviendra légendaire. Un fait d’armes entre mille : un régiment irlandais, chargé de prendre une tranchée ennemie, monte à l’assaut en poussant devant lui un ballon de football. Les uns après les autres, les soldats tapent dans le ballon. Quand le ballon parvient dans la tranchée allemande, celle-ci est prise et les Irlandais crient : Goal . Hélas, la proportion des morts irlandais sera l’une des plus fortes de la Grande Guerre.
Aux yeux de Redmond, la situation apparaît si claire qu’il suggère au gouvernement de Londres de retirer ses troupes d’Irlande pour les envoyer au front. Redmond déclare – et il est sincère – que les Volontaires suffisent à assurer le maintien de l’ordre tant que durera la guerre.
À Londres, le gouvernement est persuadé d’en avoir fini, au moins provisoirement, avec les difficultés irlandaises. C’est compter sans I’I.R.B.
Curieusement, un protestant de l’Ulster, sir Roger Casement, est venu, vers la même époque, offrir ses services à I’I.R.B. Pour lui, l’indépendance totale de l’Irlande prend le pas sur les problèmes religieux. Il va devenir l’un des agents les plus actifs de l’I.R.B., négociant d’abord aux États-Unis avec les Irlando-Américains, puis partant pour la Norvège et passant de là en Allemagne.
Casement et l’I.R.B. jouent gros jeu. En négociant avec l’Allemagne, ils montrent que la guerre de l’Angleterre n’est pas leur guerre. Casement veut recruter parmi les prisonniers de guerre irlandais les éléments d’une brigade. Il souhaite obtenir de Guillaume II des armes pour l’insurrection irlandaise. Et – pourquoi pas ? – une aide militaire de l’Allemagne. Pour le Conseil de l’I.R.B., les choses devront se passer ainsi : au jour J, on mobilisera les Volontaires – tout au moins ceux qui ne sont pas partis se battre sur le continent – et les membres de l’I.R.B. On les armera grâce aux fusils allemands dont Casement a obtenu la promesse, on prendra d’assaut tous les points névralgiques du pays et l’on chassera les Anglais d’Irlande.
Admirable programme, certes, mais qui pèche sur un point essentiel. Les conjurés comptent fermement sur 3 000 Volontaires à Dublin et 13 000 en province. Or Eoin MacNeill, président des Volontaires irlandais, n’est nullement décidé à sacrifier ses troupes pour une insurrection qu’il juge non seulement hasardeuse, mais suicidaire. Le Conseil militaire ne peut ignorer cette prise de position, mais il estime qu’il parviendra, au dernier moment ; à convaincre MacNeill. D’autre part, l’I.R.B. sait maintenant qu’elle peut compter sur une autre organisation, la Citizen Army – l’Armée citoyenne – de James Connolly.
L’opinion irlandaise, reconnaissons-le, se perd entre tous ces groupes, entre toutes ces tendances. Comme nous nous y perdons nous-même. En simplifiant, les Irlandais appellent tous ces gens qui s’entraînent, protestent, défilent, les sinn-feiners . Le Sinn Fein est un mouvement créé au début du siècle par un journaliste, Arthur Griffith. Depuis, Griffith a peu à peu rejoint les positions de Redmond. Le Sinn Fein est devenu plus une idée qu’un mouvement. N’importe,
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