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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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n’y aura plus de Citizen Army , plus de Volontaires irlandais, rien que l’armée républicaine irlandaise.
    L’armée républicaine irlandaise, en anglais, c’est l’ Irish Republican Army . Autrement dit, l’I.R.A. Cette I.R.A., qui fera tant parler d’elle, est née ce lundi 24 avril 1916, au Liberty Hall de Dublin.
     
    Quand le nouveau gouvernement sort du bâtiment, il trouve quelques centaines d’hommes qui attendent. Une centaine seulement en uniforme. Le reste en civil, mais portant leggings, baudrier, ceinturon, tâchant tant bien que mal de se donner une allure militaire. Des petits-bourgeois, des ouvriers. La plupart portant un fusil : les plus courants sont des mausers allemands, ceux que l’on avait pu importer si difficilement, 1 500 en tout. Certains Volontaires ne sont armés que de piques. De cette petite foule se dégage une telle impression de fragilité que Connolly, lorsqu’il les voit, se tourne vers son second, O’Brien, et lui dit gaiement :
    — Bill, nous allons nous faire massacrer.
    O’Brien demande :
    — N’y a-t-il pas un faible espoir ?
    — Absolument aucun, répond Connolly, avec la même gaieté.
    Connolly descend les marches du Liberty Hall et, apercevant une femme revêtue de l’uniforme de la Citizen Army  – tunique masculine sur longue jupe verte – s’avance vers elle. Elle arbore un chapeau de velours à plumes qui prêterait à rire si l’énorme pistolet Mauser qu’elle porte à la hanche n’inspirait le respect. C’est la comtesse Markievicz. Connolly la salue puis désigne aux officiers leurs objectifs. Volontaires et soldats de la Citizen Army confondus se mettent aussitôt en marche pour les directions qui leur sont assignées.
    Sur la place, il ne reste que 150 hommes.
    À midi, Pearse, Connolly et Plunkett – flanqué de son adjoint Michael Collins – se mettent à leur tête. On s’applique à marcher en cadence. Chacun, de son mieux, veut donner l’image d’un soldat. L’opération qui commence ne doit pas être qualifiée de terroriste. C’est une guerre.
    Le ciel est bleu, le soleil déjà chaud. Sur les trottoirs de la ville, beaucoup de badauds. Des femmes vendent des fleurs et des fruits sur de légères charrettes. Des gamins crient les journaux du matin. Il y a longtemps qu’on n’a vu à Dublin un printemps pareil.
    Et voici que, sur la chaussée, retentissent les pas martelés des hommes de Pearse et de Connolly. Étonnement de la foule. Réprobation. Ces gens qui semblent jouer aux soldats ne sont pas populaires. Les plaisanteries fusent, les quolibets. Parfois jaillit un lazzi plus cruel :
    — Si vous tenez tant à faire les soldats, allez donc dans les tranchées, en France !
    Impassibles derrière leurs trois chefs, les hommes avancent toujours. Ils se sont engagés dans O’Connell Street, la rue la plus animée de Dublin. Son véritable nom est Sackville Street. Mais comme la statue de bronze d’O’Connell s’élève là, face au pont sur la Liffey, c’est par le nom du « libérateur » que les habitants de Dublin la désignent. À l’extrémité de la rue se dresse un autre monument, à la mémoire de Parnell celui-là. Entre les deux, au sommet d’une immense colonne en pierre, la statue de Nelson. En face, l’hôtel central des postes, avec ses huit colonnes ioniques. Pas de doute : ce fronton néo-grec est spécifiquement anglais.
    La colonne des insurgés s’est arrêtée devant cette poste. Un ordre, soudain. C’est Connolly qui l’a donné :
    — Compagnie, halte ! Demi-tour à gauche !
    Exécuté, le demi-tour. Alors, Connolly rugit un nouvel ordre :
    — Sur la poste, chargez !…
    Les Volontaires se ruent en hurlant vers la poste qu’ils envahissent en une minute. Aux employés, au public, Connolly ordonne d’une voix tonnante :
    — Tout le monde dehors.
    Clients et employés semblent pétrifiés. Deux coups de feu, tirés vers le plafond, claquent. Aussitôt, c’est la débandade vers la sortie. C’est fait : les Volontaires sont chez eux. À coups de crosse, on enfonce les vitres. On accumule devant les fenêtres des registres, des sacs postaux, des annuaires, le tout à hauteur d’homme. Derrière ces barricades, on pourra tirer sans être fatalement abattu. Selon le plan des conjurés, l’hôtel des postes est le quartier général de l’insurrection.
    À la même heure, d’autres détachements s’emparent du Palais de justice et de la place Saint-Stephen,

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