C'était le XXe siècle T.1
après 1914, toutes les oppositions, qu’elles se réclament de Pearse, de MacNeill ou de Connolly, seront devenues celles des sinn-feiners .
Connolly a donc rejoint le Conseil suprême de l’I.R.B. Il a apporté à Clarke le soutien de sa détermination enthousiaste. Dès le début de janvier 1916, il déclare qu’il faut passer à l’action. Si les autres ne suivent pas, il déclenchera seul, avec sa Citizen Army, l’insurrection. Au Conseil suprême, on est si sûr qu’il n’exagère pas qu’on se saisit de lui et qu’on le garde prisonnier du 19 au 22 janvier. On ne le libérera que sous les menaces de la Citizen Army tout entière, et notamment d’une femme singulière, la comtesse Markievicz, aussi noble que socialiste. À la fin de janvier, le Conseil finira par se laisser convaincre : on se soulèvera le dimanche de Pâques 1916. Pour tous les chrétiens, Pâques signifie la résurrection. Aux yeux des catholiques irlandais, imprégnés de mysticisme – même les socialistes comme Connolly n’y échappent pas –, la résurrection du Christ se doublera de celle de leur patrie asservie.
Dans le même temps, en Allemagne, sir Roger Case-ment discute ferme avec ses interlocuteurs. L’état-major allemand a refusé le transfert d’un corps expéditionnaire en Irlande. En revanche, on a promis au délégué de l’I.R.B. d’envoyer des armes et des munitions aux insurgés et de soutenir la révolte par des attaques déclenchées sur le front occidental et par des bombardements sur l’Angleterre pendant la semaine de Pâques.
Casement se rend compte que, sans l’appui militaire direct des Allemands, l’insurrection est vouée à l’échec. Pourtant, les Allemands tiennent leurs engagements. Le 9 avril, un chalutier, l’ Aud , quitte Lübeck. Dans ses cales, un chargement de bois. Mais, sous le bois, 20 000 fusils. Pour dépister les recherches alliées, l’ Aud bat pavillon norvégien.
Casement a obtenu d’être rapatrié en Irlande par sous-marin. Il quitte Kiel le 12 avril, en compagnie de deux compatriotes. Dès son départ, il a pris une décision : à peine arrivé en Irlande, il fera tout pour que soit annulée l’insurrection. Trop tard. Le 3 avril, Pearse, nommé par le Conseil militaire de l’I.R.B. commandant en chef de l’armée de la République irlandaise, a ordonné à tous les Volontaires de se mobiliser à partir du dimanche de Pâques.
Apparemment, l’administration anglaise ne se méfie pas des détachements paramilitaires. On les laisse librement porter l’uniforme, s’entraîner, défiler. Il ne semble pas que les services secrets britanniques soient parvenus à s’infiltrer dans les instances suprêmes de 1T.R.B.
L’ordre donné par Pearse, le 3 avril, transmis par poste – et même par avis insérés dans les journaux – ne concerne donc que des manœuvres très officielles. Le mouvement est déclenché – incroyable mais vrai – sans que MacNeill et l’état-major des Volontaires irlandais se doutent que ces manœuvres dissimulent en réalité une insurrection.
On approche de l’échéance. Quelqu’un s’avise que, dans les environs de Dublin, des courses de chevaux doivent avoir lieu le lundi de Pâques. Assurément, les officiers de la garnison ne manqueront pas de s’y rendre. Donc, le lundi de Pâques, l’année britannique de la capitale irlandaise ne sera pas commandée. Occasion inespérée. Le Conseil militaire s’en saisit et reporte l’opération au lundi.
Pour éviter que les armes allemandes attendues n’arrivent trop tôt et ne soient découvertes par les Anglais, on fait savoir aux Allemands que l’ Aud , attendu pour le 20 avril devant les côtes irlandaises, devra retarder sa venue jusqu’au 23. Ce qu’ignore le Conseil militaire, c’est que l’ Aud n’a pas la radio. Quand le message est reçu en Allemagne, le 15 avril, l’ Aud est déjà en mer depuis sept jours. Le chalutier prétendument norvégien, après avoir traversé une effroyable tempête et déjoué les pièges de la flotte britannique, mouille dans la baie de Tralee le jeudi saint dans l’après-midi, jour primitivement fixé pour le rendez-vous. Grande est la fierté du capitaine allemand d’avoir exécuté ses ordres d’une façon aussi exacte. Il fait jeter son chargement de bois à la mer – et il attend. Personne. La nuit vient. Personne. L’Allemand multiplie les signaux lumineux. Aucune réponse. D’évidence, le danger
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