C'était le XXe siècle T.1
intermédiaire, sont entrés en rapport.
Que me disait Jean-Marie Crouau ?
« En premier lieu, j’ai le devoir de vous faire l’éloge de mon ancien camarade de combat, Vincent Moulia, caporal à la 5 e compagnie, 2 e bataillon du 18 e d’infanterie. J’étais moi-même caporal à la 5 e . Chacun commandait un groupe de corps francs. Nous avons fait ensemble plusieurs coups de main, préparés minutieusement à l’arrière par nos officiers, sur des tranchées et abris conformes à ceux que nous devions attaquer. Ces coups de main ont à peu près tous réussi. Vincent Moulia était un héros, un combattant idolâtré des soldats de la compagnie et de nous-mêmes. Un de ses grands faits d’armes fut la capture de sept officiers allemands avec des soldats au cours d’un combat. »
M. Jean-Marie Crouau évoquait avec amertume l’offensive Nivelle : « Elle échoua pitoyablement et influença le moral des soldats. Ce n’était pas la faute aux officiers qui nous commandaient, je leur rends hommage. C’étaient de braves et bons officiers. Mais il y eut des indiscrétions sur l’heure H qui ont été connues des Allemands. Avant l’attaque, c’était le silence le plus complet dans les tranchées de part et d’autre. Et tout d’un coup, un cri qui se répète : En avant ! Nous sautons des tranchées et au même moment nous sommes cloués au sol par le tir ennemi des mitrailleuses et des canons. Ce fut lamentable. »
Le 4 mai, nouvelle attaque, prise de Craonne et du plateau. Le régiment est relevé. Crouau, pour sa part, cantonne depuis le 11 mai à Fère-en-Tardenois. « Quelques jours plus tard, on apprit par des permissionnaires qu’à Paris il y avait la grève des midinettes qui réclamaient à grands cris la fin de la guerre. Puis des civils sont venus dans nos baraquements incognito, et confirmèrent cette grève. C’était, disait-on, la fin de la guerre. Personnellement, je n’ai entendu personne. Puis, la veille de la mutinerie, on vit un feu au lointain, c’étaient des baraquements en bois qui brûlaient. Les soldats s’étaient révoltés et refusaient de monter en première ligne. Notre régiment fut désigné pour le remplacer. Vous voyez dans quel esprit étaient plongés les soldats. Et, le 27 mai, ce fut la révolte du 18 e et la manifestation dans la rue de Fère qui se brisa devant la maison où se trouvait le mess des officiers. Ceux-ci lancèrent des grenades en l’air, les soldats ripostèrent au fusil. Heureusement, il n’y eut ni blessés ni tués.
« Ce jour-là, je faisais fonction de sergent de semaine, le titulaire était parti en permission. Avec les hommes de corvée, il m’a fallu veiller à la distribution des vivres et munitions pour les sections et compagnies, le régiment devant remonter en première ligne. Les camions de ravitaillement se trouvaient à l’entrée du village. Partis à 10 heures et demie, nous sommes rentrés à notre cantonnement vers les 17 heures. La manifestation était finie. Une bonne partie du régiment était partie vers le front. Je ne savais pas où le régiment et mon bataillon étaient cantonnés, n’ayant pas pu assister au rassemblement des gradés. Le soir, les soldats qui n’étaient pas partis ont rejoint leur cantonnement dans une grande ferme. Moi aussi, avec les soldats que j’avais pu ramasser et mes hommes de corvée. »
Le lendemain, les soldats que l’on a pu rassembler sont entassés dans les camions pour rejoindre le régiment. Crouau et une trentaine d’autres sont chargés à part dans un camion arrivé en retard.
« Il n’y avait pas d’autre gradé que moi. Moulia avait dû partir la veille avec son unité. Une fois arrivés à Maizy, où était le bataillon, on nous désarma, mais seulement le dernier camion où je me trouvais. Puis ce fut l’instruction. On nous avait parqués au camp des prisonniers allemands que nous avions faits à Craonne. Nous n’étions pas fiers. À Maizy, on fit un choix de soldats pour être en prévention de Conseil de guerre. J’en fus exclu, j’étais innocent. Mais Moulia fut désigné. Un fait à signaler : deux ou trois jours avant de passer devant le Conseil de guerre, notre colonel est venu nous voir. J’étais encore avec les prévenus. Nous étions alignés, au garde-à-vous. Le colonel nous a serré la main à tous, disant que nous étions tous des braves, mais que l’ordre était venu de l’état-major : il fallait un exemple et des
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