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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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punitions. Il y avait donc eu des circonstances très atténuantes sur la révolte. L’état-major avait une part de responsabilité par son manque, de parole.
    « Avant de finir, je dois vous exposer un fait qui me concerne, certes, mais qui donne une idée à peu près exacte de l’esprit de la plupart des officiers. J’étais donc toujours emprisonné. Le lendemain, je fus appelé à me présenter dans une grande salle au premier étage où tous les officiers étaient réunis autour d’une table. Un lieutenant d’instruction, après m’avoir appelé, me lit une déposition d’un civil qui accusait un soldat de ma section d’avoir menacé les civils. Et il me dit : "Si vous le confirmez, vous serez récompensé." J’étais outré. Ce n’était pas vrai. Ce soldat était de corvée avec moi et n’avait pas d’arme. Nous sommes revenus au cantonnement après la manifestation. J’étais très en colère de ce comportement et j’ai dit que la déclaration du témoin était fausse. L’instruction était finie, et on m’apporta la cassation de mon grade. Ceci est la vérité. Je l’affirme sur la tête de mes enfants et petits-enfants. »
    Voilà pourquoi, le 7 juin, à Maizy, à la place d’un autre , Moulia comparaît devant le Conseil de guerre.
     
    La salle d’audience ? Moulia se souvient qu’elle était assez grande. Peut-être bien, croit-il, une salle d’école. En fait, d’après le témoignage d’un survivant que l’on lira plus loin, une salle de la mairie. Quand Moulia et ses coaccusés sont entrés, la garde d’honneur, avec casque et jugulaire, a claqué les talons et a présenté les armes. Le colonel et les autres officiers se sont levés, ils ont rendu le salut. Puis tout le monde s’est assis. Le cauchemar a commencé.
    Identité, nom, prénoms, matricule…
    — Caporal Moulia Vincent, mon colonel.
    D’un côté l’accusateur, le commandant Oliveri. Un grand blond, marchand de poisson à Hossegor. De l’autre, le défenseur, le lieutenant Vivien. Par les propos du colonel, Moulia comprend qu’un rapport du capitaine Lasserre l’accable. Pourquoi ? Voici les témoins. Ils sont vingt-trois, dont quinze soldats. Le commandant Robert dépose :
    — Je n’ai que des éloges à faire du caporal Moulia.
    Plusieurs officiers confirment :
    — Aux combats les plus violents, Moulia a toujours su encourager les siens.
    Intérieurement, Moulia jubile : « Ça va bien. »
    Paraît le capitaine Lasserre. Moulia serre les poings. Qu’est-ce qu’il va encore raconter celui-là ? Au vrai, le capitaine paraît mal à l’aise.
    — Mon colonel, je demanderai à rectifier les termes de mon rapport. Moulia est un brave.
    — Votre rapport est parfaitement clair ! jette Oliveri.
    Lasserre s’obstine :
    — Je regrette, je voudrais défendre le caporal Moulia.
    Moulia ne peut s’empêcher d’intervenir :
    — Je vous remercie, mon capitaine. Mais, si je suis ici, c’est bien de votre faute.
    Le lieutenant Vivien le tire par la manche, lui souffle :
    — Taisez-vous. C’est moi qui vais vous défendre, qui vais parler pour vous.
    C’est vrai que le lieutenant Vivien a défendu Moulia de son mieux. Mais le colonel l’avait averti : « Pas de longueurs inutiles. » Moulia s’est toujours souvenu de ce qu’avait dit le commandant Oliveri :
    — Cet homme est coupable. La preuve, c’est qu’il a incité les troupes à la révolte. Il a menacé un sergent.
    Menacer un sergent ? Moulia s’est levé tout d’un coup. Il a crié que c’était faux.
    — Accusé, taisez-vous ! a dit le colonel.
    Postérieurement à l’émission que j’ai consacré à Vincent Moulia, M. Henri Petit a adressé à son ancien camarade un témoignage particulièrement important. M. Petit, classe 1916, appartenait au 50 e R.I., 11 e compagnie, 1 re section. À l’attaque du 16 avril, son régiment se trouvait voisin du 18 e . Après avoir vécu toute l’attaque, le 50 e fut envoyé au repos à Maizy. C’est ce qui a permis à Henri Petit d’assister au procès des mutinés. Il faut lui donner la parole : « Le 10 ou le 11 juin, vers 8 heures du matin, nous vîmes arriver avec stupéfaction douze soldats déséquipés et encadrés par d’autres, baïonnette au canon, portant l’écusson 18 e d’infanterie, lesquels entrèrent s’installer dans la salle de la mairie. Mais, grand Dieu ! que se passe-t-il ? disions-nous. Certaines rumeurs nous étaient parvenues que

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