C'était le XXe siècle T.2
désigne un point de la frontière :
— Là se trouve une petite localité appelée Gleiwitz. Peut-être en avez-vous entendu parler : en tout cas, vous avez dû lire ce nom sur le cadran de votre radio. Une petite station sais grande importance, à quelque distance de la ville. Gleiwitz est en Allemagne, bien entendu, mais exactement sur la frontière polonaise. Supposons maintenant que des troupes polonaises attaquent cette station et l’occupent juste le temps de diffuser un message dénonçant Hitler comme fauteur de guerre. Ce serait une sérieuse, très sérieuse provocation, n’est-ce pas ?
Devant une interrogation aussi directe, Naujocks a simplement hoché la tête. Heydrich n’en a pas fini.
— Il deviendrait parfaitement clair que les Polonais cherchent la bagarre, surtout si, par la suite, on trouve un ou deux cadavres sur les lieux et plus spécialement si, par hasard, le réseau radiophonique allemand relaye le message polonais et le transmet à l’ensemble du pays.
Heydrich regarde Naujocks bien en face :
— Pensez-vous pouvoir organiser un tel incident ?
Au procès de Nuremberg, le 20 novembre 1945, Naujocks confirmera cet étrange entretien : « Vers le 10 août, le chef du SD, Heydrich, m’ordonna personnellement de simuler une attaque contre la station-radio de Gleiwitz, près de la frontière polonaise, en faisant croire que le groupe d’agresseurs était formé de Polonais. “Il nous faut faire la preuve matérielle que ces attaques sont l’œuvre de Polonais, ceci à l’usage de la presse étrangère aussi bien que pour la propagande intérieure”, m’a dit Heydrich. J’avais reçu l’instruction de m’emparer de la station-radio et de m’y maintenir assez longtemps pour permettre à un Germano-Polonais mis à ma disposition de lancer une proclamation sur les ondes. Heydrich m’a dit aussi qu’il s’attendait à ce que l’Allemagne attaque la Pologne dans les quelques jours à venir. »
Cette fois, c’est Heydrich qui attend. Quant à Naujocks – il l’a confié lui-même –, il est littéralement « pétrifié ».
— Eh bien ? finit par demander Heydrich.
— J’aimerais vous garantir le succès mais, avant d’examiner plus attentivement ce projet, je puis vous dire tout de suite que les risques d’échec sont considérables. Si vous me faites confiance, je ferai bien entendu de mon mieux.
— Si vous échouez, vous mourrez, bien que je ne veuille pas vous faire de mal. Peut-être mourrai-je aussi et plusieurs autres encore. Mais notre mort n’aurait pas la moindre importance étant donné ce que l’on attend de nous. Un échec anéantirait les efforts accomplis, depuis des années, par des milliers de personnes. En outre, ce serait une honte pour l’Allemagne. Je crois comprendre que vous n’avez pas d’objection d’ordre moral ?
La grimace de Naujocks est imperceptible.
— Non, bien entendu.
— Vous voyez que j’ai été absolument franc avec vous. Je crois que vous comprenez le problème. Il n’est pas question pour vous de refuser. Vous devez aller jusqu’au bout. Réglons maintenant les détails.
Il reste, en effet, quelques « détails » à régler.
Là, soigneusement rangés dans des armoires, s’étalent devant Alfred Naujocks les uniformes polonais envoyés par Canaris. Au moins de quoi vêtir une compagnie ! Là, aussi, entassés dans des boîtes, des paquets de cigarettes et d’allumettes polonaises, des lettres et des papiers d’identité rédigés en langue polonaise et qui devront être glissés dans les poches des uniformes. Les hommes qui devront endosser ces uniformes, qu’ils soient allemands ou qu’ils bénéficient de la double nationalité, devront parler couramment polonais. Déjà, Naujocks sait qu’il n’aura pas besoin de tous les hommes prévus par le plan initial. Si l’on veut garder le secret, il faut que l’expédition ne soit confiée qu’à un très petit nombre d’exécutants. À son avis, pas plus de sept, lui y compris. C’est ce chiffre qu’il va proposer à Heydrich – et que celui-ci finira par accepter.
Les quatre premiers, Naujocks les choisit lui-même. Des hommes sûrs. Des SS. Les deux autres lui sont envoyés par Heydrich ; ils seront chargés plus spécialement de la radiodiffusion du faux message. Le premier est un expert en radio, le second un speaker s’exprimant parfaitement en polonais. Ces deux-là offrent-ils les mêmes garanties que
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