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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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lettres anonymes, de tortures moyenâgeuses et d’exécutions secrètes lui importait peu. Ces horreurs n’arrivaient chez lui que totalement déshumanisées, réduites à l’état de rapports ou de notes, transformées en nourriture administrative  (70)  ».
    À Oppeln, ce n’est pas seulement Muller que Naujocks a rencontré. Un certain Mehlhorn se trouve là également. Devant Naujocks, les deux hommes mettent la dernière main au déroulement de l’incident de frontière destiné à simuler une action des soldats polonais contre les troupes allemandes. Naujocks à Nuremberg  : « Après l’incident, des journalistes et d’autres personnes seraient amenés sur les lieux. Muller m’avertit qu’il avait reçu de Heydrich l’ordre de me fournir, pour l’opération de Gleiwitz, l’un des condamnés de droit commun choisi pour l’occasion. Il porterait le nom convenu de conserve en boîte . »
    Rentré à Berlin, le même Mehlhorn rencontre son ami Walter Schellenberg, le jeune chef du département de l’espionnage étranger. Une chaleur accablante pèse sur la capitale. Schellenberg et Mehlhorn dînent dans un petit restaurant discret et, pour fuir l’air brûlant de la ville, se dirigent ensuite vers le Wannsee, lac situé entre Berlin et Potsdam. Schellenberg se souviendra longtemps de ces dernières heures de la paix : « À cette époque, Berlin était une ville magnifique, à l’apogée de sa puissance et de sa richesse. Les vitrines élégantes, inondées de lumière, le scintillement des enseignes multicolores, les files ininterrompues de voitures, la foule affairée, en un mot la vie gaie et active du temps de paix  (71)  ! »
    Stupéfait, Schellenberg écoute le récit de l’ Opération Himmler telle qu’elle se prépare. Il ne peut s’empêcher de demander à Mehlhorn où il compte découvrir les faux Polonais qui porteraient les fameux uniformes. La réponse ne tarde pas :
    — Voilà le hic. C’est le point diabolique du plan : les « Polonais » sortiront des camps de concentration. Ils seront munis d’armes polonaises authentiques. Ceux qui s’en tireront seront immédiatement libérés. On me l’a promis.
    Schellenberg réagit brutalement :
    — C’est de la folie ! On ne peut pas faire de l’histoire mondiale avec des procédés de ce genre. L’affaire ne pourra jamais être gardée secrète. Pas longtemps en tout cas. Quelque part, d’une manière ou d’une autre, elle sera dévoilée. Il faut absolument vous tirer de là ! Inventez une excuse. Faites-vous porter malade. Ou refusez tout simplement. Quoi qu’il puisse en résulter, un refus sera préférable aux conséquences d’une acceptation !
    Dès le lendemain, Mehlhorn refuse la mission qu’on voulait lui confier. Une violente crise d’estomac le rend impropre à l’action directe… Heydrich accepte sans commentaire cette dérobade de Mehlhorn mais « dix minutes après, il lui assigna un poste inférieur et plein de difficultés dans l’Est ». William L. Shirer précise que l’estomac de Mehlhorn se rétablit par la suite : « Pendant la guerre, il fut l’un des principaux organisateurs de la terreur en Pologne. »
     
    Naujocks médite les paroles de Muller. Muller a précisé que sa collaboration se bornerait à lui procurer un cadavre. Avec un gros rire, il a déclaré :
    — En ce qui me concerne, je vous fournirai le corps du délit.
    Et il a ajouté :
    — On aurait une bien piètre opinion de notre police si les Polonais pouvaient exécuter une attaque comme celle-ci sans avoir une seule victime !
    Naujocks a naturellement opiné.
    — Je vais vous dire ce que je ferai pour vous, a poursuivi Muller. Deux minutes après le déclenchement de l’opération, le 31 août à 19 h 30, je passerai devant la station-radio de Gleiwitz dans une Opel noire – que vous ferez bien de décrire à vos hommes – et je déposerai devant l’entrée un cadavre, fraîchement tué, vêtu bien entendu d’un uniforme de l’armée polonaise ; je ne me mêlerai pas de votre besogne et disparaîtrai aussitôt après.
    En prenant congé, Muller est revenu sur le « corps du délit » :
    — Ne vous inquiétez pas au sujet de la victime. Elle a déjà été choisie dans un camp juif.
     
    31 août 1939. 16 heures. Dans la chambre numéro 7 du Oberchlesischer Hof, Alfred Naujocks vient de rassembler les six hommes de son commando. Ils ont pris place où ils ont pu : deux sur le lit,

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