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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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trois sur des chaises, le dernier debout contre la cheminée. Naujocks s’est assis sur le rebord de la fenêtre.
    Des années plus tard, il se souviendra mot pour mot de ce qu’il leur a dit :
    — Nous y sommes. Les deux malles se trouvent dans ma voiture. La première contient sept uniformes de l’armée polonaise. Ce soir, à 19 heures, nous serons dans le bois de Ratibor, à quelques kilomètres de notre objectif. Là, nous nous changerons.
    Il se tourne vers l’expert en TSF désigné par Heydrich :
    — Karl, vous mettrez en marche la radio qui se trouve dans l’autre malle et vous attendrez le signal qui, un peu avant 19 h 30, nous permettra d’entrer en action. À 19 h 30 précises, laissant derrière nous nos vêtements et toute trace de notre identité, nous nous rendrons à la station et nous maîtriserons son personnel – il n’y aura pas plus de cinq ou six personnes en service. Vous ne prononcerez pas un mot et vous leur laisserez penser que nous sommes des Polonais. Une fois à l’intérieur, Karl et Heinrich demeureront avec moi.
    Heinrich est le speaker parlant polonais. Naujoks continue :
    — Karl, vous devrez connecter la ligne de Breslau, vous le savez. Heinrich, j’ai là pour vous le texte d’un petit discours que vous prononcerez au micro. En même temps, je tirerai un coup de feu en l’air : je vous en avertis afin que vous ne vous alarmiez pas.
    Dans la chambre, un silence pesant, une attention qui ressemble à de l’angoisse.
    — L’Opel noire arrivera devant l’entrée principale de la station quelques minutes après nous et un cadavre sera jeté sur les marches. Ne vous mêlez pas de cela. C’est un autre département qui s’en occupe. Nous ne devrions pas rester plus de cinq minutes en tout et je ne m’attends pas à rencontrer d’opposition. Si la police surgit, n’hésitez pas à tirer.
    Cette police, c’est évidemment la police allemande. Ainsi l’on est prêt à tuer des Allemands pour que triomphe la grande Allemagne.
    — Quoi qu’il arrive, nous devons fuir. Si l’un de vous est capturé, il doit prétendre qu’il est polonais. Le QG à Berlin a prévu une telle éventualité et demandera que le prisonnier lui soit remis. Nebe, le commissaire du département spécial, l’enverra chercher immédiatement en avion. Souvenez-vous : à 19 h 30, ce soir, vous devenez des Polonais et vous tirez sur quiconque essaiera de vous barrer le chemin. Même si vous tuez quelqu’un, il n’y aura ni poursuite ni enquête. Tels sont les ordres !
    La conférence a pris fin. Le rendez-vous est fixé à 18 h 30, à l’hôtel.
     
    Les deux grosses voitures noires viennent de s’arrêter dans une clairière du bois de Ratibor. En silence, les hommes sortent les deux malles des voitures. La première contient sept Luger 9 posés sur une pile de sept uniformes de l’armée polonaise. Toujours en silence, les sept hommes se changent. « Aucun uniforme n’allait parfaitement, racontera Naujocks à Gunter Peiss, mais personne n’était ridicule dans son accoutrement. » Dans l’autre malle se trouve le poste de radio. Karl met le contact et, les écouteurs sur les oreilles, attend le signal. Soudain, il sursaute : le voici, ce signal. Il est exactement 19 h 27.
    Naujocks se dirige aussitôt vers la Ford. Karl se demande ce qu’il doit faire de son poste de radio. Les instructions sont muettes à ce sujet. Karl le laisse où il est et rejoint ses camarades. Les deux voitures démarrent.
    Dans la nuit qui tombe, la station-radio de Gleiwitz surgit devant eux. Les deux voitures stoppent. Une grande porte vitrée à laquelle on accède par six marches. Sur la droite, une fenêtre éclairée : c’est là que doit se trouver le personnel que l’on mettra hors d’état de nuire. Naujocks grimpe les six marches, ouvre la porte vitrée. Immédiatement derrière lui, Karl et Heinrich.
    Dans le hall, un homme portant un uniforme bleu marine s’avance et reste bouche bée devant ces soldats polonais. Heinrich se rue sur lui, le saisit par les épaules et lui « sonne » à deux reprises la tête contre le mur. Sans un mot, l’homme glisse sur le sol, inconscient.
    Déjà, Naujocks s’élance dans le corridor de droite, il fait irruption dans la seconde pièce, celle dont la fenêtre est allumée. Un autre homme s’y trouve. Avant qu’il ait pu réagir, Naujocks l’assomme d’un coup de crosse. Un appel de Karl :
    — Vite, par ici !
    Naujocks

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