C'était le XXe siècle T.2
se précipite, pénètre dans un studio où se trouve déjà Heinrich, prêt à lire son message devant le micro.
Karl a disparu dans la pièce voisine où se trouve le dispatching qui doit permettre de transmettre – comme par hasard – l’émission vers Radio Breslau et, de là, dans toute l’Allemagne. Une vitre épaisse sépare la pièce du studio. À travers elle, Naujocks et Heinrich aperçoivent Karl qui s’agite, baisse et lève toutes les manettes les unes après les autres. Il semble avoir perdu la tête. Naujocks sort du studio, rejoint Karl, le trouve absolument affolé :
— Qu’y a-t-il ? lance Naujocks.
— Je ne peux pas trouver la manette de connexion…
— Il faut que vous la trouviez, imbécile ! Je croyais que vous connaissiez votre affaire.
C’est un homme éperdu qui répond :
— Si je la trouve, je saurai la manœuvrer ! Mais je ne la trouve pas !
C’est le désastre. « L’émission devait d’une façon ou d’une autre être faite, dit Gunter Peiss. De l’autre côté de la vitre, Heinrich gesticulait, agitant son texte. Lui aussi avait perdu son calme habituel et semblait terrorisé. »
— Pouvez-vous au moins faire une émission locale ? demande Naujocks à Karl.
— Oui, mais seulement sur la longueur d’ondes locale. C’est insuffisant. On ne pourra pas l’entendre hors du village.
— Eh bien, faites-la ! Faites quelque chose ! Il faut bien que ce sacré texte soit lu à quelqu’un !
Naujocks regagne le studio, ordonne à Heinrich de commencer à lire au signal de Karl :
— Vous crierez, car je vais faire du bruit et tirer des coups de feu.
Dès que Karl donna le signal, raconte Louis Saurel, historien des SS, « Heinrich lut son texte très rapidement, presque en criant. Bien que prévenu de ce qu’il allait entendre, Heinrich sursauta au premier coup de revolver, faillit laisser tomber le microphone et se trompa dans la lecture. Sur un geste autoritaire de Naujocks, Heinrich, visiblement tendu et très nerveux, parvint à se dominer et à achever à peu près correctement l’émission. À peine celle-ci fut-elle achevée, que le chef de l’expédition, Karl et Heinrich quittèrent au plus vite le studio, maintenant empli de fumée (72) ».
Escorté de ses complices, Naujocks sort en courant du poste de radio de Gleiwitz. Comme il descend les marches extérieures du bâtiment, il aperçoit le cadavre annoncé : un homme « grand et long, vêtu en soldat polonais ».
« Il était vivant mais complètement inconscient, racontera Naujocks à Nuremberg. Je pouvais me rendre compte qu’il vivait non à son regard mais à son souffle. Je ne vis pas de traces de balles, mais il avait le visage maculé de sang. » Vivant, peut-être mais, quand la police de Gleiwitz arrive quelques minutes plus tard, c’est bien un cadavre qu’elle trouve.
Le 1 er septembre 1939, à 7 heures du matin, Alfred Naujocks pénètre dans le bureau de Heydrich. Il n’est pas rasé. Il n’a pas dormi depuis deux jours. Pendant tout le voyage du retour, il s’est dit que l’ Opération Himmler , conduite sous ses ordres, était en définitive un lamentable échec. Tout avait été prévu pour que la prétendue attaque polonaise fût, en quelques instants, connue de l’Allemagne entière. En fait, seuls les propriétaires d’appareils de radio du village de Gleiwitz avaient été les bénéficiaires d’une entreprise qui avait demandé tant de peine et de soins. Naujocks est sûr que sa carrière est terminée. Peut-être même est-ce un sort bien pire qui l’attend.
Or Reinhard Heydrich prononce un mot, un seul :
— Félicitations !
Il ajoute :
— Dommage pour le contretemps, mais je suppose qu’on n’y pouvait rien. Je dois avouer que j’ai été inquiet la nuit dernière quand je n’ai rien entendu à 19 h 30. L’important est que l’émission ait eu lieu et que nul n’ait été pris.
Naujocks veut expliquer pourquoi l’opération n’a pas entièrement réussi, il cherche des raisons à cet échec. Agacé, Heydrich l’interrompt :
— Il s’est trouvé que j’avais prévu une telle éventualité. Avez-vous lu les journaux ce matin ? Eh bien, jetez un coup d’œil sur le Volkischer Beobachter , vous y trouverez un article fort intéressant en première page.
Naujocks déplie le journal. Un grand titre : « Des agresseurs attaquent la Radio de Gleiwitz », et cette information :
« Un groupe de
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