C'était le XXe siècle T.2
l’énergie et de la résolution. Si La Rocque s’affirme républicain, il veut réformer la République (9) . Comme tant d’autres, il martèle dans les réunions publiques :
— Un État fort !
Le décor est planté. Les figurants attendent en coulisse les ordres du ou des metteurs en scène. Le rideau peut se lever sur le premier acte. Le régisseur porte un nom : Stavisky.
Depuis le 26 novembre 1933, Camille Chautemps est président du Conseil. De cet avocat, député à trente-quatre ans, entré dix-huit fois au gouvernement dont quatre fois comme président du Conseil, on peut dire qu’il apparaît comme l’archétype du politicien III e République. Radical-socialiste, il manifeste cette nécessaire souplesse qui lui permet d’appartenir à des formations où domine tantôt la gauche, tantôt la droite. Avec ce correctif essentiellement radical : pas d’ennemi à gauche.
Quand, dans le climat de lassitude et de mécontentement aigu qui vient d’être souligné, il forme son gouvernement, on peut penser que, grâce à la sympathie qu’on lui porte, s’affaiblira peu à peu la vague d’hostilité qui vient battre les portes du Parlement. Les amis de la république l’espèrent sincèrement. Le 24 décembre 1933, leurs espoirs s’effondrent d’un seul coup.
On annonce en effet l’arrestation de Tissier, directeur du Crédit municipal de Bayonne. En quelques jours, les bons du Crédit font les gros titres de la presse. De révélations en coups de théâtre, le scandale prend des proportions inouïes. Dès le 5 janvier, Tissier annonce que l’émission frauduleuse n’a été engagée par lui que sur les instructions formelles de M. Garat, député-maire de Bayonne.
Garat – radical – est arrêté, inculpé de vol, de faux, d’usage de faux, d’escroquerie, d’abus de confiance, etc. Le vieux réflexe qui soulève périodiquement les Français contre le Parlement joue à fond. Un député, et qui plus est radical ! L’indignation s’accroît lorsque l’on découvre que, derrière Garat, se profile un certain M. Alexandre, personnage très lancé dans le monde des grandes affaires. On saura vite que ce nom passe-partout recouvre en fait l’identité véritable de l’escroc Stavisky.
Jour après jour, les Français apprennent par leurs journaux que M. Dalimier, ministre de l’Économie dans le cabinet Chautemps, a recommandé par lettres aux compagnies d’assurances – quand il était ministre du Travail – les bons du Crédit municipal de Bayonne. Que Bonnaure, député radical, et Renoult, sénateur radical, ont aidé Stavisky de leurs conseils. Que d’autres sont intervenus pour obtenir les successives remises dont Stavisky a bénéficié. On affirme que le Parquet, à la tête duquel on trouve le procureur Pressard, a laissé faire. La presse révèle que Pressard n’est autre que le beau-frère de Camille Chautemps !
Ce qui s’opère n’est autre qu’un amalgame. On jette en pâture à la vindicte publique les noms d’hommes dont la responsabilité dans l’affaire Stavisky ne peut être comparée. Si Garat est sans excuse, Dalimier ne peut être accusé que d’imprudence, le procureur Pressard de négligence. L’opinion ne fait pas le détail.
Elle s’indigne quand elle découvre que Stavisky s’était assuré le contrôle de la Volonté , journal radical dont le directeur, Albert Dubarry, était aux ordres de l’escroc. Il en était de même de la Liberté , directeur Camille Aymard, où s’exprimaient des modérés comme Flandin et Tardieu.
Le 9 janvier, on apprend que, retrouvé par la police à Chamonix, Stavisky s’est donné la mort. Quel cri de colère ! Sur-le-champ, l’Action française accuse Chautemps d’avoir fait assassiner Stavisky pour couvrir son beau-frère Pressard.
Au Parlement, l’extrême droite réclame la désignation d’une commission d’enquête. Chautemps s’y oppose : la justice est saisie, déclare-t-il, elle fera toute la lumière. Grave erreur de tactique. L’opinion en déduit que le gouvernement veut lui cacher la vérité. Si Camille Chautemps va essuyer tant d’injures, si tant de calomnies imméritées vont l’accabler par la suite, c’est en partie à cette erreur qu’il le devra. Pourtant, bien loin d’apporter quelque appui à Stavisky, Chautemps a voulu que l’escroc fut démasqué, ses complices inculpés, l’action publique engagée.
Tout cela, l’opinion – encouragée, il
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