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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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du 14 septembre 1930, des vagues entières de députés nazis entrent au Reichstag. Hitler ? Une force qui grandit chaque jour. Alors, Roehm revient. Hitler l’accueille à bras ouverts et, comme une chose qui va de soi, lui confie de nouveau le commandement des SA. Les victoires du parti national-socialiste se muent en triomphe. Les gens qui se rallient toujours au plus fort adhèrent en masse aux SA. Il suffit de donner une signature. On reçoit une carte d’adhésion et bientôt un bel uniforme de couleur brune. En Allemagne, on ne dit plus les SA, mais les chemises brunes . Les théoriciens du parti affirment que cette couleur rappelle la sueur des travailleurs. La sueur a-t-elle une couleur ? Les théoriciens s’en déclarent assurés. En 1930, il y avait en Allemagne 100 000 SA. Il y en a 300 000 en 1933.
    Le jour vient où le vieux maréchal Hindenburg désigne Adolf Hitler comme chancelier d’Allemagne. En 1934, un an plus tard, on dénombre trois millions de SA. Leur chef est toujours Roehm. Décidément, il faut compter avec Roehm.
     
    Le premier qui l’ait su, c’est Hitler. Au rythme des fanfares qui déchirent les tympans, le Führer et Roehm passent ensemble les revues de SA. Entre eux, aucun problème. Hitler a même fait de Roehm un ministre sans portefeuille. Leur amitié n’a pas faibli. Comment oublier le dérisoire petit parti ouvrier national-socialiste où ils ont accompli ensemble leurs premières armes ? Les premiers meetings, le putsch de Munich, l’exaltante conquête du pouvoir menée en commun ?
    Cette conquête, les SA y ont beaucoup contribué. Le traité de Versailles n’a laissé en Allemagne qu’une minuscule armée, la Reichswehr, 100 000 hommes en 1921. En a découlé, pour les Allemands, une impression aiguë de frustration. Les groupes paramilitaires SA formés partout en Allemagne correspondent à une aspiration profonde. Les anciens combattants revêtent avec joie l’uniforme. Le dimanche, au lieu d’aller pêcher à la ligne ou de boire de la bière, ils défilent et font l’exercice. Un plaisir comme un autre.
    N’oublions pas les électeurs allemands. Les SA incarnent à leurs yeux la puissance. Quand les SA entreprennent la chasse aux communistes, des millions de petits-bourgeois allemands se sentent satisfaits. Quand les SA inaugurent la chasse aux juifs, des millions d’antisémites allemands applaudissent.
    Une fois le parti nazi au pouvoir, les SA en récoltent les fruits. Beaucoup d’argent glisse vers les caisses des Sections d’assaut. On nomme partout des officiers supérieurs, des officiers, des sous-officiers SA. Tout cela porte des titres ronflants : Gruppenführer , Standartenführer , Obergruppenführer . Avec les SA, le nouveau chancelier a conscience de posséder une armée supplétive à ses ordres, capable de juguler toute opposition, prête à écraser ses propres ennemis. Les SA, aux yeux de tous, incarnent l’hitlérisme.
     
    Les mois passent. L’horizon s’assombrit. Pourquoi ? Parce que, peu à peu, les trois millions de SA incarnent un État dans l’État. Certes, parce qu’elle obéit aveuglément, l’armée commandée par Roehm continue, par rapport au régime, à jouer un rôle positif. Qu’adviendrait-il si elle s’écartait de la discipline jusque-là consentie et si elle voulait mener sa propre politique ? Pour le tout jeune État nazi, la menace serait grande.
    D’autant plus que, dans chaque province d’Allemagne, les chefs supérieurs des SA – qu’ils s’appellent Heines, Karl Ernst, von Spreti, Schmidt, Uhl et bien d’autres – se considèrent comme au-dessus des lois. Au sein des SA se sont introduits des gens de sac et de corde, sortis tout droit du « milieu ». À ceux-là, tout est permis. On pille les boutiques juives et nul n’ose s’aviser de demander aux commandos ce qu’ils ont fait des marchandises. On rançonne avec non moins d’allégresse des personnalités déclarées opposantes. Certaines sont enlevées. Si on dénonce ces exactions, la police avoue qu’elle est impuissante.
    Les SA vont même jusqu’à ouvrir des camps pour y regrouper les opposants. Ceux-ci sont interrogés dans des prisons privées, des prisons SA. L’une des distractions favorites des gardiens improvisés est de faire grimper des prisonniers – le plus souvent choisis parmi les plus vieux et les infirmes – en haut de grands arbres. Là, ils doivent se tenir en équilibre sur une branche et imiter

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