C'était le XXe siècle T.2
présente une telle offre ne l’accepte pas sur-le-champ. Il demande une nuit de réflexion. Miklas obtempère.
Cette nuit-là, le petit homme la passe en partie dans l’église de Schotten. En prière. Le lendemain, 8 mai, Engelbert Dollfuss répond qu’il consent à devenir chancelier d’Autriche.
« Le Chat botté s’est installé au bureau de Metternich ! » se moquent les milieux de l’opposition. On ne croit pas à Dollfuss. On est persuadé qu’il ne pourra se maintenir au pouvoir. Comment gouverner avec un Parlement où l’on ne dispose d’aucune majorité ? Dollfuss tente de former une coalition. Il s’adresse aux sociaux-démocrates, toujours premier parti au Parlement. Refus catégorique : les socialistes veulent de nouvelles élections. Identique dérobade des membres de l’Union nationale qui se proclament pangermanistes et savent que Dollfuss va devoir se résigner à demander le concours des huit députés de la Heimwehr .
Ce qui inquiète Dollfuss, c’est la progression constante d’un mouvement tout neuf : le parti national-socialiste autrichien. Avec d’autres groupes d’extrême droite, ces nazis grignotent l’électorat chrétien-social, élément essentiel de la majorité de Dollfuss. L’ascension de Hitler explique ce dynamisme. Lucide, Dollfuss ne cesse de se souvenir qu’il ne dispose que d’une voix de majorité. Qu’adviendra-t-il aux futures élections si les nazis autrichiens et l’extrême droite viennent entamer la plus fragile des majorités ?
Le 30 janvier 1933, Hitler accède au pouvoir. Les élections autrichiennes approchent. Dollfuss n’en doute pas : les nazis autrichiens auront des élus. Or Dollfuss ne veut pas compter avec les nazis. Quelle solution trouver ?
L’étonnant de l’affaire, c’est que le Parlement va lui-même voler au-devant des souhaits de Dollfuss. En se suicidant !
Tout se passe en une seule séance. L’Union nationale dépose une motion de censure contre Dollfuss. Elle est adoptée : 81 voix contre 80. Exit Dollfuss ? Non. On découvre qu’un député socialiste a voté deux fois et l’on ne retrouve pas le bulletin d’un autre député socialiste. En fait les deux erreurs s’annulent, et c’est ce que soutient le président du Parlement, l’ancien chancelier social-démocrate Renner. On le traite aussitôt de canaille, de traître, de bolchevik !
Très digne, le docteur Renner déclare :
— Puisqu’il en est ainsi, je me démets de mes fonctions.
C’est donc le vice-président, le docteur Ramek, chrétien-social, qui devient président. Le tumulte se déchaîne de plus belle. Le docteur Ramek tente en vain de se faire entendre. Il démissionne.
De par la loi et le règlement de l’Assemblée, la présidence passe alors au deuxième vice-président : le docteur Straffner, de l’Union nationale. Toujours le même incroyable vacarme ! Le docteur Straffner s’acharne, supplie qu’on l’écoute. En pure perte. « Comme hypnotisé par l’exemple de ses prédécesseurs », il démissionne, lui aussi. Il s’en va, écœuré, en oubliant totalement de clore la séance.
Or, au Parlement autrichien, il n’y a que deux vice-présidents. Personne ne pouvant plus occuper la présidence, le Parlement ne peut plus délibérer. Dollfuss comprend aussitôt qu’il peut tirer de la situation un avantage inespéré. Il s’adresse à la nation, annonce que « l’Assemblée législative de la République autrichienne s’est mise d’elle-même hors d’état d’exercer ses fonctions ». Déduction logique : « Il existe donc actuellement une crise aiguë du Parlement. » Comment la résoudre ? « Le gouvernement n’entend pas que le pays soit privé, d’une façon durable, d’une représentation nationale effective, capable de servir le bien commun. Toutefois, la direction de l’État ne réside pas exclusivement dans le législatif. Elle réside également dans la personne du chef de l’État et dans le gouvernement. En conséquence, le gouvernement, légalement nommé par le président de la Confédération, demeure en fonctions. » Dollfuss ne s’estime en rien touché par la crise parlementaire qui a été provoquée en dehors de lui. « Il n’y a aucune crise de l’État. »
À l’appel du docteur Straffner, les députés tentent de se réunir le 15 mars. Or Straffner s’est trompé d’heure ! Une partie seulement des députés répond à l’appel et, se voyant, faute
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