C'était le XXe siècle T.2
de quorum, dans l’incapacité de siéger, se disperse. Un peu plus tard, l’autre partie se présente à l’Assemblée, se livre à un raisonnement identique et se sépare de la même manière. Cette fois, le Parlement autrichien n’a pas seulement démontré son incohérence. Il a sombré dans le ridicule.
Le grand vainqueur ? Engelbert Dollfuss. Qui désormais en Autriche songerait à défendre le Parlement ? Pour Dollfuss, la place est nette.
L’Histoire a donc voulu qu’au même moment deux dictatures s’imposent en Europe dans les deux grandes capitales germaniques : à Berlin, celle de Hitler. À Vienne, celle de Dollfuss.
Les deux hommes sont issus de la même patrie : l’Autriche. Que va-t-il advenir d’un tel face-à-face ?
Dès les premières lignes de Mein Kampf , Hitler a affirmé clairement ses desseins quant à l’Autriche. Cette terre allemande devra se fondre dans la Grande Allemagne. Quant à l’ Anschluss , Hitler a écrit sans ambages qu’il s’agissait du « but de ma vie à poursuivre par tous les moyens ».
Bien avant la prise du pouvoir par Hitler, un parti national-socialiste a été créé en Autriche, sous l’impulsion d’un avocat viennois, Seyss-Inquart. Dès juillet 1931, Hitler a désigné un député au Reichstag, le docteur Habicht, comme « inspecteur général du parti national-socialiste en Autriche ». Singulière audace que la désignation d’un Allemand pour inspecter un parti autrichien .
Pour les nazis autrichiens, Dollfuss – qui refuse l’ Anschluss – est devenu l’homme à abattre. Son surnom injurieux de Millimettermensch lui vient des nazis autrichiens. Les plus ardents d’entre eux s’entraînent en Allemagne, dans un camp situé au nord de Munich. Ils franchissent une étape en constituant une « légion autrichienne » qui doit, le jour venu, faciliter l’ Anschluss et commence à se livrer – elle ou d’autres commandos nazis – à des actions terroristes sur le territoire autrichien. Parallèlement, la radio allemande dénonce sans vergogne « l’oppression des nationaux-socialistes autrichiens par le gouvernement de Vienne ». Nouvelle escalade dans le cynisme : on nomme le docteur Habicht attaché de presse à l’ambassade d’Allemagne de Vienne. Poste idéal pour coordonner toutes les activités nazies en Autriche.
C’est plus que n’en peut tolérer Dollfuss. Le 13 juin 1933, il fait arrêter et expulser d’Autriche le docteur Habicht. Le parti national-socialiste est interdit. On arrête les militants nazis les plus virulents : au moins cinq mille.
Comme on pense bien, la radio allemande se déchaîne. Habicht y prononce un discours furieux. On dénonce Dollfuss comme demi-juif, l’ennemi numéro un de l’Allemagne hitlérienne.
Le 3 octobre 1933, Dollfuss se rend au Parlement où se tient une réunion des chrétiens-sociaux. Certes, l’Assemblée est « en vacances », mais les groupes politiques persistent à s’y réunir. Dollfuss n’y voit aucun mal.
À 14 h 30, Dollfuss va quitter le Parlement. Un jeune homme court à sa rencontre, braque un revolver sur lui et tire par deux fois. La première balle est heureusement amortie par l’épais pardessus que le chancelier porte sur un veston de laine. Elle traverse toutes les épaisseurs de tissu et s’arrête sans entamer la chair. La seconde balle atteint un biceps, ne provoquant qu’une blessure sans gravité.
L’assassin, aussitôt ceinturé, déclare se nommer Robert Dertil. On le presse de questions. Pourquoi a-t-il agi ? Une réponse immédiate, comme une évidence :
— Je suis membre du parti national-socialiste.
Cela veut tout dire en effet.
Un atout pour Dollfuss : l’appui et la sympathie de Mussolini. En ce temps, le Duce n’éprouve que mépris pour Hitler dont il estime que tout le sépare. Au chancelier d’Autriche, Mussolini déclare qu’il ne doit rien craindre du « caporal ». Au moindre appel, il mettra ses forces armées à sa disposition.
Pour parer aux périls qui s’accumulent, Dollfuss va jouer gros. Il décide d’éliminer une fiction : celle des mouvements politiques qui s’acharnent à survivre. Le 20 mai 1933, Dollfuss fonde le Front patriotique, parti unique qui constituera l’armature du nouvel État corporatif autrichien. Le major Fey, devenu vice-chancelier, va beaucoup plus loin : il incite Dollfuss à ouvrir des camps de concentration où, à l’imitation de Hitler, on va
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