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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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interner les opposants. Les nazis sont les premiers visés. Après quoi, on frappe à gauche. Fey s’en prend aux syndicats, aux organisations ouvrières. On persécute les militants, on perquisitionne aux sièges des syndicats. On remplace les chambres syndicales élues par des commissions administratives nommées par le gouvernement.
    La classe ouvrière se sent atteinte dans ses œuvres vives. La colère monte. Le 19 janvier 1934, les journaux socialistes appellent à la grève générale. Un quotidien ne craint pas d’imprimer : « Qu’on ne s’y trompe pas ! Aujourd’hui la grève générale mène irrémédiablement à une décision par les armes, c’est-à-dire à la guerre civile. »
    Les travailleurs sont décidés à ne pas tolérer une dictature d’extrême droite. Le sachant, le major Fey met les bouchées doubles. Partout, on saisit les stocks d’armes accumulés par les organisations ouvrières. On annonce la mobilisation de la Heimwehr . Pour les ouvriers, une seule question :
    — Devons-nous rester les bras croisés devant cette menace et nous laisser mener à l’abattoir comme des moutons ?
    Le maire social-démocrate de Vienne, M. Seitz, affirme à Dollfuss que, si l’on continue à jouer avec le feu, les ouvriers eux-mêmes échapperont à leurs chefs. Pour toute réponse, le major Fey enlève à M. Seitz ses pouvoirs légaux de police pour les transférer à un préfet nommé par le gouvernement. Aux troupes de la Heimwehr qu’il harangue près de Vienne, Fey déclare :
    — Demain, nous nous mettrons au travail et ce travail nous l’accomplirons à fond, pour le salut de la patrie !
    Le discours enflammé du major se termine sur une phrase étrange :
    — Les déclarations que m’a faites hier et avant-hier le chancelier Dollfuss m’ont donné la conviction qu’il est entièrement avec nous.
    La conviction seulement. Le major ne saurait mieux avouer qu’il a décidé de voler de ses propres ailes.
     
    C’est à Linz que tout va commencer. Le 12 février 1934, sur l’ordre du major Fey, la police exige que le Schutzbund   – groupe armé socialiste – lui remette toutes ses armes. Refus. Affrontement. Coups de feu. Gisant dans des flaques écarlates, les premières victimes.
    — Le sang coule à Linz !
    Le même cri court toute l’Autriche. Dès que la nouvelle parvient à Vienne, le courant est coupé par les ouvriers de la centrale électrique. C’est un signal. De toutes les banlieues, de lourds camions bourrés de militants armés du Schutzbund roulent vers le centre de la capitale. Dans l’autre camp, c’est l’armée ou la police qui prennent les armes. Le tocsin se mêle au hurlement des sirènes. Les rues se dépavent, les barricades s’élèvent.
    On saura très vite que les points forts de l’insurrection sont trois blocs d’immeubles qui se dressent aux portes de la ville. Le plus redoutable : le Karl-Marxhof à Heuligenstadt, 1 000 mètres de long sur 75 de large. Une masse de béton percée d’ouvertures exiguës, des caves bétonnées, des tours de guet, des chemins de ronde. Depuis la dictature de Dollfuss, les socialistes ont fortifié ces blocs. Dans les caves, ils ont disposé des meurtrières au ras du sol par lesquelles on peut tirer à la mitrailleuse. Ils sont abondamment pourvus en armes et en munitions.
    C’est en cela que le conflit qui vient d’éclater ne ressemble à aucun autre. Ce n’est pas une guerre de rues mais une guerre de positions. Celles des socialistes paraissent inexpugnables.
    Que va décider Dollfuss ?
    Le petit homme a revêtu son vieil uniforme de lieutenant des chasseurs tyroliens. À la chancellerie, il a réuni un conseil de guerre qui ne dure que quelques minutes. Le major Fey reçoit l’ordre de passer à l’attaque. On met à sa disposition 40 000 soldats et policiers, auxquels on ajoute 30 000 Heimwehren .
    Côte à côte, Fey, ministre de la Police, et Starhemberg, ministre de l’Intérieur, commandent l’assaut. Face aux maisons ouvrières, on dirige des batteries d’artillerie. Les troupes sont munies de chars, de mitrailleuses, de fusils, de grenades. Les obus pleuvent sur les façades qu’ils éventrent. Par les brèches ainsi ouvertes, les soldats s’engouffrent. Dans les couloirs, dans les caves, dans les escaliers, ce sont d’horribles corps à corps. Dans un seul après-midi, le Karl-Marxhof est pris par l’armée, perdu par l’armée, repris par l’armée.
    Les ouvriers

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