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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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pour l’entraînement, rivalisent en postures martiales et en arrogance. Tout ce monde est en uniforme et arbore fièrement ses propres emblèmes.
    En 1928, Mgr Seipel, gravement malade, doit démissionner. La situation financière est catastrophique. Le nouveau chancelier, Johannes Schober, ne sachant plus, après la faillite de la principale banque autrichienne, à quel saint se vouer, préconise une union douanière avec l’Allemagne. Il est visible que le vieux rêve d’ Anschluss ne veut pas mourir. Les Alliés n’ont rien modifié de leur position fondamentale. À la proposition d’union douanière, répond un non catégorique. Johannes Schober n’a plus qu’à démissionner. Ce qu’il fait.
    L’homme auquel le président Miklas va s’adresser maintenant n’est autre qu’Engelbert Dollfuss.
     
    Dollfuss a toujours cru en la Providence. À plusieurs reprises, il s’est persuadé qu’une intervention divine avait modifié son propre destin. S’il ne s’est pas bercé d’illusions, la première de ces interventions s’est située le 5 août 1919, quand il a rencontré, au cours d’un pèlerinage, M. Sturm, l’un des dirigeants de l’Union des paysans de Basse-Autriche. Les sages propos du jeune Dollfuss, ses convictions profondes exprimées avec force mais sans outrance, tout cela a séduit M. Sturm. Il lui a proposé une place de secrétaire à l’Union des paysans. La réponse de Dollfuss mérite d’être citée textuellement :
    — Monsieur, je suis fils de paysans, de paysans d’ici, en bas du pays, à Kirnberg-sur-Mank. J’ai toujours rêvé de servir les miens.
    Réplique de M. Sturm enchanté :
    — Alors, c’est entendu, je te garde !
    M. Sturm comprendra vite qu’Engelbert Dollfuss n’est pas fait pour rester secrétaire. C’est le temps où l’on ne jure que par les coopératives agricoles. Dollfuss en deviendra donc l’homme.
    En 1920, il part pour l’Allemagne étudier de près les coopératives déjà établies. Il y rencontre la fille d’un propriétaire terrien, Alwine Glienke. Elle est riche, grande, protestante. Il est pauvre, petit, catholique. Au dernier jour de 1921, dans l’église de Kirnberg, il l’épouse.
    À vingt-neuf ans, le docteur en droit Dollfuss est premier secrétaire de l’Union des paysans de Basse-Autriche. Il milite pour la renaissance des corporations. Celles-ci avaient régi tous les rapports sociaux au Moyen Âge et sous l’ancien régime. En leur sein, les classes, chacune à sa place, se fondaient. Qu’est-il résulté de leur disparition ? La lutte des classes. Dollfuss la refuse catégoriquement. Avec le Français La Tour du Pin, il a observé que le corporatisme, par essence, était chrétien. Dès lors, il a décidé de se battre pour un État corporatif et chrétien.
    À pas de géant, son ascension se poursuit. En 1922, il obtient le vote d’une loi révolutionnaire sur les assurances sociales agricoles. Logiquement, le gouvernement le nomme président de la Caisse d’assurances agricoles. En 1926, il crée un Institut d’assurances dont profitent 500 000 ouvriers agricoles. Soyons assurés qu’il ne faut pas dire de mal d’Engelbert Dollfuss aux bénéficiaires. Président élu de la Chambre d’agriculture de la Basse-Autriche en 1927, Dollfuss acquiert la stature d’un expert international. On l’invite partout en Europe, et d’abord à Rome où le régime fasciste, au pouvoir depuis 1922, se déclare officiellement corporatif. On voit Dollfuss à Anvers, à Budapest, à Berlin, à Leipzig, à Prague. Il devient l’un des experts de la Commission d’agriculture et du Comité économique de la SDN. En 1930 – à trente-huit ans –, il est président du conseil d’administration des Chemins de fer autrichiens. En 1931 enfin, il se voit confier le portefeuille de ministre de l’Agriculture et des Forêts. Tournant de sa carrière : l’expert universellement estimé se mue en homme d’État.
    Les gouvernements se succèdent à une allure inquiétante. Le 6 mai 1932, le président de la République Miklas, ne sachant plus guère à qui confier le pouvoir, se rend au sanatorium dans lequel Mgr Seipel soigne sa tuberculose. La question qu’il lui adresse est une adjuration : qui ?
    Mgr Seipel n’hésite pas :
    — Prenez Dollfuss.
    Le président Miklas propose la chancellerie à Dollfuss. Pour la première fois dans l’histoire de la jeune République autrichienne, celui à qui l’on

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