C'était le XXe siècle T.2
police et de gendarmerie de son département.
Or, au soir du 10, Mondanel reçoit de Fontainebleau une information de première importance. L’employé de chemin de fer qui a vendu son billet au terroriste en fuite – celui qui n’avait pas ramassé sa monnaie – a témoigné :
— Il était seul, mais je me souviens qu’hier deux étrangers qui avaient à peu près le même accent que lui sont également partis pour Évian. Eux aussi ont pris des billets de 2 e classe, mais des aller et retour. Ils ont embarqué dans le rapide de 0 h 21.
Évian : voilà une indication précieuse. Mondanel appelle aussitôt, à Annemasse, le commissaire Petit. Immense est sa surprise d’entendre son collègue lui répondre :
— Il est possible que nous tenions déjà les deux hommes que vous recherchez.
Il les tient en effet. Il s’agit de Raitch et Pospichil.
Deux heures plus tôt, dans un bar de la rue Vallon, un agent de la police de Thonon a interpellé deux étrangers qui s’inquiétaient de l’heure de départ des bateaux pour Lausanne. On les a fouillés, on a trouvé sur eux un billet de chemin de fer à destination de Fontainebleau.
— Que dois-je faire ? demande le commissaire Petit.
— Ne les laissez pas partir, répond Mondanel. Dès demain matin, je serai à Thonon.
Petit va donc donner l’ordre de placer les étrangers sous surveillance.
Sur cet épisode, M. Paul Marabuto, commissaire divisionnaire honoraire de la Sûreté nationale, m’a fourni les détails que voici : « M. Petit et moi sommes partis à 4 heures du matin pour aller examiner ces deux inconnus dans le petit hôtel situé en face du commissariat de police de la place principale de Thonon. Nos deux individus nous ont exhibé des passeports tchèques, mais je ne me rappelle plus les noms d’emprunt qu’ils avaient pris. L’un, qui avait été identifié comme Raitch, m’a dit connaître la langue portugaise. J’ai alors utilisé l’italien et nous avons pu nous comprendre quelque peu. Avec le second disant connaître l’allemand, j’ai causé un peu en allemand. Nous en savions assez pour les ramener avec nous à Annemasse. Lors de l’interrogatoire dans cette ville, nous avons dû faire appel à un collègue, commissaire dans cette ville, M. Toussaint, qui connaissait très bien l’allemand. » Rapidement, Pospichil et Raitch vont reconnaître la vérité.
Krajli, lui, échappe toujours aux recherches. Il se cache dans la forêt de Fontainebleau. On la quadrille. En vain. Cela dure quarante-huit heures. À bout de forces, l’homme traqué sera pris dans un café près de Melun, commandant un cognac. Il passe aux aveux. Krajli, Pospichil et Raitch livrent les noms d’Ante Pavelitch et de Kvaternik. Ils révèlent que ceux-ci se trouvent en Italie.
Pour la forme, le gouvernement italien les fera arrêter. Mussolini refusera l’extradition.
Le 17 octobre, jour où l’on célèbre, à Belgrade, les obsèques solennelles d’Alexandre de Yougoslavie, il semble que la Yougoslavie ait tout à coup retrouvé son unité. Une foule immense se presse sur le parcours du cortège funèbre. Des opposants incarcérés sollicitent – et obtiennent – leur sortie de prison pour venir rendre hommage au roi défunt. Parmi les chefs d’État, les chefs de gouvernement, les dignitaires ou les militaires de haut rang accourus à Belgrade, on remarque, représentant la France, le président Albert Lebrun et le maréchal Pétain, alors ministre de la Guerre. Le général Goering représente l’Allemagne.
On s’attendait à une insurrection en Croatie. Elle ne bouge pas. Ante Pavelitch était sûr que la mort d’Alexandre signifierait la fin de la Yougoslavie. Le contraire s’est produit.
C’est à Aix-en-Provence, en novembre 1935, que les assassins seront jugés. Dès le début, M e Desbons, leur avocat, multiplie les incidents. À l’égard du président, il use d’un tel langage, il dépasse à ce point toute mesure que l’Ordre des avocats le radie du barreau. Il faut renvoyer le procès à la session de février 1936.
Long, interminable procès. Cinquante-quatre témoins défilent à la barre. Les oustachis avaient tout avoué, maintenant ils nient presque tout. Krajli affirme qu’il n’a rien su jusqu’au dernier moment. S’il n’a pas lancé ses grenades, c’est par souci humanitaire.
Le verdict reconnaît aux inculpés des circonstances atténuantes. Tous sont condamnés aux
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