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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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travaux forcés à perpétuité. Pospichil s’écrie :
    — Vive la France ! Vive la Croatie libre ! Vive le docteur Ante Pavelitch !
     
    En 1941, quand Hitler envahira la Yougoslavie, Ante Pavelitch sera, sur son ordre, placé à la tête de la Croatie proclamée indépendante. Eugène Kvaternik deviendra son digne acolyte, présidant à la liquidation de tous ceux qui refuseront de se rallier à la terreur nazie. Alors commenceront d’affreux massacres, des règlements de comptes si atroces qu’ils épouvanteront les Allemands eux-mêmes.
    Le gouvernement de Pavelitch attendra 1942 pour songer aux meurtriers d’Alexandre, toujours prisonniers en France. On les réclame officiellement au gouvernement de Vichy. On apprend alors que Pospichil est mort, en 1940, d’une pneumonie et que Krajli, un an plus tard, est décédé des suites d’une tuberculose. Seul Raitch survit. Libéré, il regagnera la Croatie, participera à la lutte contre les partisans, sera pris par ces derniers – et fusillé.
    Après la guerre, Pavelitch et Kvaternik parviendront à gagner l’Amérique du Sud. Kvaternik trouvera la mort dans un accident de la circulation. Pavelitch, après avoir survécu à un attentat, gagnera l’Espagne.
    Ses mains étaient couvertes de tant de sang que, si l’on avait proposé un prix aux grands tortionnaires de la dernière guerre, il aurait pu concourir avec avantage. Nul ne l’a puni. Il est mort, en 1959, dans un hôpital espagnol.

VI

Kirov : le crime du siècle
    1 er décembre 1934
    Le samedi 1 er décembre 1934, vers 16 heures, un homme d’une trentaine d’années – col relevé et chapka enfoncée sur la tête –, image même, selon un contemporain, du fonctionnaire « insignifiant », court plutôt qu’il ne marche dans les rues de Leningrad. Les passants sont rares. La neige vole. Il fait froid, très froid : moins vingt degrés. La nuit est tombée sur la grande ville du Nord qui pleure secrètement son rang de capitale perdu au profit de Moscou.
    Par souci d’économie, les réverbères allumés sont rares : on manque de tout à Leningrad, à commencer par le pain. Les fenêtres illuminées de l’Institut Smolny qui surgissent de la nuit, et dont le reflet se perd sur les glaces de la Neva, n’en apparaissent que plus insolites. Devant l’imposant bâtiment, l’homme pressé vient de s’immobiliser. Il semble fasciné par les fenêtres du troisième étage.
    Cet ancien pensionnat de jeunes filles est entré dans l’histoire quand, en 1917, Lénine y a établi son poste de commandement. En 1934, il abrite toujours l’appareil du parti communiste de la ville. Là se trouvent les bureaux du personnage le plus redouté de Leningrad : Sergueïev Mironovitch Kirov, à la fois secrétaire du Comité central du parti communiste d’URSS et président du soviet de la ville.
    L’homme pressé n’a plus que quelques pas à accomplir. Il franchit la porte principale de l’Institut Smolny. Au planton de service qui l’arrête, il tend son laissez-passer. Le planton constate que le porteur est en règle, qu’il se nomme, Leonid Nikolaïev et qu’il est âgé de trente-deux ans.
    L’homme s’est engouffré dans les couloirs lugubres. Il passe devant des postes de garde curieusement inoccupés. Personne non plus dans l’escalier dans lequel il s’engage. Le voici au troisième étage. Derrière une colonne, il se fige.
    Il attend.
     
    Assis à son bureau, Sergueïev Mironovitch Kirov écrit. Il a quarante-huit ans et ne les paraît pas. Un bel homme, dit-on de lui : le visage aux traits réguliers, surmonté par une épaisse masse de cheveux rangés en arrière, frappe par son énergie et son ardeur. Il achève de rédiger un rapport sur la séance du Comité central qui s’est réuni quelques jours plus tôt. Il doit le présenter à l’ Aktiv de Leningrad – les cadres supérieurs du Parti – qui attend au même étage dans une salle voisine. Dans la monumentale cheminée en marbre blanc, brûle un grand feu de bois. Au-dessus, deux portraits : ceux de Lénine et de Staline.
    Quelques instants plus tôt, Borissov, chef des gardes du corps, est venu s’assurer que le feu ne risquait pas de s’éteindre. Il a fait si peu de bruit que Kirov n’a pas levé la tête ni même entendu la porte qui se refermait.
     
    Très tôt, Sergueïev Mironovitch Kostrikov a changé son nom en celui de Kirov. Dès 1904 – il a dix-huit ans –, il a adhéré au mouvement

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