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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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considéraient « le moment venu de retirer à Staline son poste de secrétaire général pour lui confier d’autres fonctions ».
    Une chose était d’avoir conscience du danger représenté par Staline, une autre était de découvrir le moyen d’ébranler sa toute-puissance. Impossible d’y parvenir si l’on ne disposait pas d’un éventuel remplaçant. Peu à peu, un nom s’était glissé sur quelques lèvres, puis sur beaucoup d’autres : celui de Sergueïev Mironovitch Kirov.
     
    Pourquoi Kirov ? Depuis l’exclusion de Trotski, Kirov est le meilleur orateur du Parti. Son acharnement à obtenir l’amélioration du sort des travailleurs de Leningrad lui vaut une authentique popularité. Ce qui encourage les opposants potentiels, c’est aussi que Kirov tient entre ses mains la plus grande ville du Nord, nid de la Révolution : Leningrad. À son poste, il manifeste une indépendance qui a été plusieurs fois stigmatisée par des hommes tels que Vorochilov ou Mikoyan. Le NKVD (Commissariat du peuple aux affaires intérieures) dénonce régulièrement le fait que des opposants continuent à bénéficier de la protection de Kirov et travaillent librement à Leningrad.
    Kirov a-t-il donné son accord pour qu’on le mette en avant comme rival de Staline ? Ce dont nous sommes seulement assurés, c’est qu’une manœuvre a été engagée et s’est trouvée sur le point de réussir. Lors de l’élection des membres du Comité central du PC de l’URSS, c’est Staline qui a obtenu le moins de voix. Cependant que Kirov obtient pratiquement l’unanimité – trois voix seulement contre lui –, deux cent soixante-dix délégués votent contre Staline ! Staline n’a été élu que parce que l’on comptait autant de candidats que de membres à élire. L’embarras s’est révélé si grand que l’on a décidé de garder secrets les résultats du scrutin.
    Ce qui, dans l’histoire de ce complot avorté, ne peut manquer de nous toucher, c’est que des bolcheviks de la première heure aient pu, après tant de persécutions et de désillusions, conserver leur foi dans un processus démocratique. Alors que la répression stalinienne a déjà suscité des milliers de victimes, comment ont-ils cru pouvoir renverser Staline par un vote  ?
    La conséquence d’une telle erreur terrifie : sur les 1 966 délégués au XVII e congrès, 1 108 seront exécutés au cours des années suivantes.
     
    Est-il possible que Staline ait ignoré ce qui s’était tramé dans les couloirs du XVII e congrès ? Peut-on imaginer qu’il n’en ait pas voulu à Kirov ? Certes, en apparence, rien n’était changé de leurs rapports et les vacances d’été de 1934 ont de nouveau réuni les deux hommes. Souvenons-nous cependant que le pouvoir de dissimulation de Staline a laissé stupéfaits tous ceux qui l’ont approché.
    Dourmachkine, qui connaissait bien Kirov, a fait état de divergences entre lui et Staline « déjà sensibles en 1934  (41)  ». Nous savons aussi que Staline a insisté pour que le nouveau secrétaire du Comité central quitte Leningrad pour Moscou – ce qui était logique – et qu’il s’est vu opposer un refus catégorique.
     
    Le 1 er décembre 1934 à la nuit tombée, ce même Kirov, dans son bureau de l’Institut Smolny, achève de rédiger son rapport sur la séance du Comité central de la fin novembre. Il se lève, range ses papiers, sort de son cabinet de travail et s’engouffre dans le grand couloir en direction de la salle où l’attend l’ Aktiv du Parti. Il n’a parcouru que quelques mètres quand tout à coup un homme surgit de l’ombre et tire sur lui. Le bruit de la détonation se répercute de loin en loin.
    Kirov gît sur le ventre. Sur les carreaux blancs et noirs, s’élargit une mare de sang. L’assassin est resté debout, adossé à un mur ou une colonne, on ne sait. Il a laissé choir son arme. Il regarde le cadavre. Car il s’agit déjà d’un cadavre : la balle, en traversant le dos de Kirov, a transpercé le cœur. Il est mort dans l’instant.
    Le « crime du siècle », comme on l’a appelé, vient d’être perpétré.
     
    Dans le couloir, le bruit d’une galopade. À peine la détonation a-t-elle retenti que les portes ont battu et que, de tous les bureaux, on s’est précipité. L’un des premiers à se pencher sur le corps encore chaud est Choudov, second secrétaire du Parti à Leningrad. Il faut un long moment pour que l’on

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