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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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révolutionnaire. Plusieurs années de prison en ont découlé. Rallié avec enthousiasme à la Révolution de 1917, il a assuré pendant la guerre civile la défense d’Astrakhan et, de 1921 à 1925, secondé Ordjonikidzé, premier secrétaire du parti communiste d’Azerbaïdjan. Membre en 1923 du Comité central du PC de l’URSS et placé par Staline à la tête du parti de Leningrad, il est entré au Politburo en 1930. Lors du XVII e congrès du Parti, il a été élu secrétaire du Comité central.
    Kirov connaît Staline de longue date. Dès le début du siècle, ils ont combattu ensemble pour la révolution dans le Caucase. Depuis que Staline règne en maître sur l’URSS, Kirov est tenu comme l’un de ses rares amis. La deuxième épouse de Staline, Nadia Allilouieva, n’a cessé de lui manifester une vive amitié. Kirov a ressenti le suicide de cette jeune femme avec une sorte d’horreur. Il n’est pas encore remis quand il s’en va passer, à Sotchi, les vacances de l’été 1933 en compagnie de Staline. Svetlana, fille du dictateur, écrira : « Kirov vivait chez nous, dans notre maison, comme un vieil ami et un camarade de toujours auquel mon père était étroitement lié. »
    Dans l’entourage stalinien, on considère que cette amitié est sans faille. On n’oublie pas que Kirov a imaginé, pour stigmatiser les opposants, la fameuse formule : « vipère lubrique ». On admire les hyperboles inédites dont Kirov émaille chacun de ses discours :
    — Tous les espoirs sont dans Staline, notre chef bien-aimé et notre maître, le grand maître des travailleurs du monde ! Ceux qui lui aboient aux chausses sont d’ignobles canailles, dignes d’un coup de revolver dans la nuque !
    Rares sont ceux qui savent que, depuis le XVII e congrès du Parti, une ombre s’est élevée entre les deux hommes.
     
    Quand, le 26 janvier 1934, le congrès s’est ouvert, il faisait si froid qu’il a semblé aux délégués, déversés à Moscou par trains entiers, que c’était l’histoire qui gelait. Pieusement, ils se sont rendus sur la place Rouge où, veillée par sa garde posthume, les attendait, soigneusement entretenue par l’embaumeur Zbarsky, la momie de Lénine.
    La salle de réunion les a ensuite accueillis. On a chanté une fois de plus l’infaillibilité de Staline, célébré l’unité du Parti et confirmé la victoire définitive contre les opposants. Chaque orateur a affirmé son dévouement à l’homme à la grosse moustache. On a admiré que Zinoviev, Kamenev ou Boukharine, vieux compagnons naguère sévèrement mis au pas, aient été autorisés à prendre la parole. Ils ont eux-mêmes juré qu’ils appartenaient désormais à la plus orthodoxe des lignes staliniennes.
    D’ailleurs, Staline lui-même s’est montré lénifiant :
    — Au XV e congrès du Parti, il était encore nécessaire de prouver le bien-fondé de notre programme et de lutter contre certains groupes antiléninistes. Au XVI e congrès, il a fallu en terminer avec les derniers partisans de ces groupes. Au présent Congrès, nous n’avons plus rien à démontrer et, semble-t-il, plus personne à frapper.
    L’enthousiasme était à son comble. Aux esprits naïfs, il a semblé que Staline en subissait la contagion. Erreur : le dictateur n’avait pas manqué de déceler ce que les visages les plus rayonnants dissimulaient de réserves, de critiques et de menaces.
    Il a fallu attendre l’ère Khrouchtchev pour que l’inamovible Pravda puisse évoquer – dans un article du 7 février 1964 – les coulisses du XVII e congrès et l’étrange climat qui y avait régné. Spécialiste éminent des questions soviétiques, Robert Conquest a été l’un des premiers, en 1968, à collationner les divers éléments de la vérité  (39) . Disposant des sources nouvelles apparues depuis la libéralisation de l’ex-URSS, Jean Ellenstein a pu aller plus loin encore  (40) .
    D’année en année, les militants bolcheviks s’inquiétaient davantage de l’arbitraire avec lequel Staline gouvernait, de l’agressivité de ses foucades, de sa « méfiance maladive » et de ses dispositions à ne tenir aucun compte de la ligne fixée par les représentants élus du Parti.
    On sait maintenant que, lors du congrès de 1934, nombreux furent, parmi les 1 966 délégués, ceux qui voyaient Staline « de plus en plus isolé » et « abusant de sa position ». De plus en plus nombreux se sont comptés ceux qui

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