C'était le XXe siècle T.2
comprend que son époux n’est plus, la reine pousse un cri affreux et s’évanouit. Le mécanicien reçoit l’ordre de stopper le train à Lons-le-Saunier. On appelle d’urgence un médecin qui prodigue ses soins à la reine. Dès qu’elle se sent un peu mieux, elle demande aussitôt que l’on dirige le train vers Marseille. On y parviendra le 10 octobre à 4 heures du matin.
L’assassin ? Il a été transféré dans les locaux de la Sûreté. Allongé sur le parquet, il agonise tout l’après-midi. Georges Ravon, jeune journaliste, l’y voit abandonné de tous. On n’entend que sa respiration rauque. De temps en temps, un policier s’approche, lui soulève la tête comme pour le regarder de plus près, puis lâche cette tête qui retombe sur le parquet avec un bruit sourd. Sentencieusement, le policier commente alors :
— Il s’accroche…
Vlada le Tueur meurt à 19 heures.
À Fontainebleau, c’est aussi vers 19 heures que Raitch et Pospichil ont appris la réussite de l’attentat. Soulagement et joie intenses. Reste à se soustraire aux recherches. À l’heure prévue, Raitch et Pospichil prennent le train pour Évian.
Krajli, lui, a gagné Aix par le car comme le prévoyaient ses ordres. Il rejoint l’hôtel Moderne vers 18 h 30, gagne sa chambre, cache son arsenal – ses grenades, son revolver – dans le matelas. On ne les retrouvera que quelques jours plus tard.
Krajli réclame sa note, la règle, appelle un taxi, se fait conduire en gare d’Avignon. Il prend le train pour Paris.
Nous sommes ici en présence d’une défaillance du plan initial, à moins qu’il ne s’agisse d’une initiative malheureuse de Krajli. Pourquoi ne s’est-il pas rendu à Lyon et de là à Évian ? Gagner Paris, c’est se jeter dans la gueule du loup.
À Paris, en effet, l’enquête a commencé à partir d’un minuscule détail, la marque du costume que portait Vlada Kerim : la Belle Jardinière . Interrogée, la direction du magasin a livré l’adresse des acheteurs : l’hôtel Regina. L’ordre y règne : on découvre aussitôt les fiches remplies par les conjurés.
Le 10 au matin, à 10 h 30, le train spécial du président de la République Albert Lebrun pénètre dans la gare Saint-Charles, à Marseille. Les témoins voient des larmes couler sur le visage, du président qu’accueille François Piétri. Deux ministres l’accompagnent, André Tardieu et Edouard Herriot.
Dans la matinée on apprend les limogeages de Jean Berthouin et du préfet Jouhannaud, ainsi que la démission d’Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur. M. Berthouin prendra sa revanche : de 1950 à 1959, il sera cinq fois ministre.
On va porter le cercueil du roi Alexandre sur le Dubrovnik . Ce cercueil, la reine Marie l’étreindra longuement avant de partir pour Paris : elle doit y retrouver son fils Pierre, accouru d’un collège anglais – et devenu le roi Pierre II de Yougoslavie.
À travers l’Europe, les chancelleries ont la fièvre. Louis Barthou aura droit à des obsèques nationales, mais que va-t-il advenir de sa politique ?
Krajli est arrivé à Paris, où il n’a pas retrouvé ses amis. Il comprend alors qu’il doit fuir la capitale. Son désarroi ne l’empêche pas de se dire que toutes les gares parisiennes doivent être surveillées. Il revient à la tactique utilisée à l’aller : il prend un taxi et se fait conduire à Fontainebleau. Son trouble reste si grand qu’il paye, au buffet de la gare, une consommation de 0,60 F avec un billet de 100 F et quitte le buffet sans prendre la peine de ramasser la monnaie. Geste qui semble si suspect au gérant qu’il alerte la police en annonçant que probablement l’homme prendra le train d’Évian. La gendarmerie investit la gare. Peu avant le départ du train de 19 h 15, Krajli paraît. Dès que les gendarmes lui demandent ses papiers, il bondit, détale à travers les voies, saute une palissade, se perd dans la nuit.
À Paris, l’inspecteur général Pierre Mondanel supervise l’enquête. Les premiers ordres ont déjà touché les services des frontières. En Haute-Savoie, notamment – département à deux frontières –, tous les postes de police et de gendarmerie ont reçu l’ordre de se mettre sur leurs gardes. De sa propre initiative, dès le 9 octobre au soir, le commissaire divisionnaire Paul Petit, chef de la police d’Annemasse, a prescrit une extrême vigilance à tous les services de
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