C'était le XXe siècle T.2
presque toujours d’un déchaînement exacerbé. Au long des siècles, rien en Espagne ne s’est jamais accompli à demi. Dans la paix comme dans la guerre.
Elle vient, la guerre. Depuis les élections, la droite n’a rien fait pour faciliter un quelconque apaisement. La Phalange, créée par José Antonio Primo de Rivera – fils de l’ex-dictateur –, mène le branle. C’est par un phalangiste qu’une bombe est déposée dans la maison de Largo Caballero. Un magistrat qui a condamné un phalangiste à trente ans de prison pour le meurtre d’un vendeur de journaux socialistes est lui-même assassiné. Une bombe est lancée sur la tribune présidentielle (49) . On a beau arrêter José Primo de Rivera, il continue, du fond de sa prison, à tenir ses troupes bien en main.
Surtout, la droite jusque-là désunie – tout comme l’était la gauche – va se rassembler. L’Espagne conservatrice conspire. On a trouvé la solution : on se débarrassera du Frente popular par l’un de ces pronunciamientos ancrés de si longue date dans la tradition péninsulaire.
Cela, le gouvernement républicain ne peut l’ignorer. Il ressent cruellement son impuissance. Sa seule décision positive : éloigner les généraux suspects. C’est ainsi que le général Francisco Franco, sur qui les dirigeants de droite ont choisi de parier, est expédié aux Canaries.
Le 11 juillet 1936, les conjurés décident de passer à l’action. Un avion anglais quitte l’Angleterre pour les Canaries. Il a été affrété par le journal monarchiste ABC . Le but du voyage : transporter secrètement Franco au Maroc où il prendra le commandement de l’armée espagnole d’Afrique. Après, on verra.
Cependant, le 12 juillet, la Phalange tue le lieutenant José Castillo qui, au service du gouvernement républicain, avait, quelque temps plus tôt, mis à mort le marquis de Heredia, phalangiste et cousin germain de José Antonio. À peine connue la nouvelle de sa mort, ses camarades jurent de le venger : on abattra un phalangiste, le premier que l’on rencontrera dans la rue ! Après quoi ils changent d’avis : le 16 juin, Calvo Sotelo a prononcé à la Chambre un discours en forme de réquisitoire, criant sa haine non seulement de la gauche, mais de la république. Voilà l’homme qui doit payer pour Castillo.
Ce soir-là, un commando quitte la caserne de Pontejos. Il se compose d’un véhicule des troupes d’assaut et d’une voiture de tourisme. Dans l’un et l’autre sont montés non seulement des asaltos , troupes supplétives républicaines, mais des civils membres des partis de gauche et d’extrême gauche. À 3 heures du matin, ils sonnent à la porte de Calvo Sotelo et informent le leader monarchiste qu’il doit les suivre pour interrogatoire. Comme plusieurs sont en uniforme, il obtempère. Dans la voiture qui l’emporte, il est abattu de deux balles dans la nuque.
Ce meurtre est un signal.
Ce qui se lève le lendemain, c’est un climat insurrectionnel. Pour parer à toute émeute droitière, le gouvernement, en même temps qu’il fait arrêter l’un des assassins – le seul sur qui l’on ait pu mettre la main –, ordonne la fermeture, à Madrid, des sièges des mouvements monarchistes. Les socialistes, les communistes, l’UGT demandent, eux, au chef de gouvernement de faire distribuer des armes aux travailleurs. Casares Quiroga refuse.
C’est ce jour-là, semble-t-il, que les chefs de la droite ont fixé la date définitive du soulèvement. Elle commencera au Maroc, le 17 juillet à 17 heures.
Dès lors, l’affaire se déroule à toute allure. Au jour dit, le général Francisco Franco se proclame solennellement l’ennemi du gouvernement républicain. Il s’envole de Ténériffe à destination de Tétouan. Le 18 juillet, il lance un manifeste annonçant le déclenchement du « Mouvement national ». Le 19, un transport de troupes traverse le détroit de Gibraltar et débarque les premiers soldats « nationalistes » à Algé-siras.
C’en est fait. La guerre civile a commencé.
Voilà donc, face à face, farouchement affrontées, deux Espagne. Deux camps dont les buts de guerre paraissent aussi disparates les uns que les autres. Du côté des républicains, l’extrême gauche préconise une guerre qui sera en fait la préface de la révolution. Ce qu’elle exige, c’est une armée ouvrière appuyée par le prolétariat international. Telle est la position des anarchistes,
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