C'était le XXe siècle T.2
gouvernement de Madrid, fait bonne garde, Franco va mettre en place un pont aérien à l’aide d’avions achetés en Angleterre par un grand ami de la Phalange, le milliardaire Juan March, roi du tabac. Délibérément, pour la protection de ce pont, il va introduire les étrangers en Espagne : il s’adresse aux Italiens de Mussolini puis aux Allemands de Hitler. Parmi les diverses idéologies européennes, il a choisi celle qu’il considérait comme la plus proche de la sienne : le fascisme.
Les républicains – eux – en appelleront aux Soviétiques, aux Français du Front populaire, ainsi qu’à ces volontaires de tous pays qui formeront les Brigades internationales.
Les forces rebelles implantées au sud foncent vers le nord. Ruée en apparence irrésistible qui va néanmoins être stoppée à Badajoz. Là, les républicains résistent. Combat inégal. La ville doit se rendre. Terrorisés, les habitants se sont réfugiés dans les arènes. On les mitraille. Un ordre formel : pas de prisonniers ! Des rapports dignes de foi permettent de penser que 2 000 à 3 000 hommes, femmes et enfants ont été ainsi abattus. Un journal catholique s’indignera : « Nous nous élevons contre le meurtre ; contre l’incendie des églises et contre l’extermination de leurs serviteurs. Mais nous repoussons aussi avec violence les atrocités de Badajoz. On y a assassiné au nom de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge. »
À la radio franquiste, le général Queipo de Llano déclare allègrement : « J’ai donné l’ordre de fusiller trois membres de la famille de chacun des marins du garde-côte qui a bombardé La Linea. Pour terminer, je veux dire à ma fille que nous sommes en excellente santé et que nous espérons avoir de ses nouvelles. » Dans un autre de ses messages : « Les femmes des rouges ont appris elles aussi que nos soldats sont de vrais hommes et non des miliciens castrés. Donner des coups de pied et braire n’arrivera pas à les sauver. » Il faut dire que les représailles des républicains rivalisent souvent en horreur avec les crimes franquistes.
À Tolède, encore aux mains des républicains, de jeunes nationalistes, les fameux cadets, se sont retranchés dans la citadelle de l’Alcazar. Le colonel Moscardo et ses hommes tiennent bon et refusent de se rendre. Les républicains ont fait prisonnier Luis Moscardo, fils de l’assiégé. Ils le conduisent près du téléphone et le mettent en communication avec son père. Alors s’échange ce dialogue :
— Papa !
— Qu’y a-t-il, mon fils ?
— Rien. Ils disent qu’on va me fusiller si l’Alcazar ne se rend pas, mais ne te fais pas de souci pour moi.
— Si c’est sûr, recommande ton âme à Dieu, crie : « Vive l’Espagne » et tu seras un héros qui meurt pour elle. Adieu, mon fils. Je t’embrasse très fort.
— Adieu, papa. Je t’embrasse très fort.
L’Alcazar ne se rend pas. Luis est fusillé.
Les forces franquistes délivreront Moscardo et ses cadets. Devant le général Yagüe, le colonel se mettra au garde-à-vous et se bornera à dire :
— Rien de nouveau à l’Alcazar, mon général.
À la fin d’octobre, l’armée franquiste est devant Madrid. Nul ne doute que la ville ne tombe en peu de jours.
Incroyable retournement : Madrid se bat avec un tel élan, une telle rage que tous les assauts des franquistes se révèlent impuissants. Madrid tient. Madrid, symbole de la république, reste républicaine.
C’est que les guérilleros sont devenus une armée. Les Brigades internationales se sont considérablement renforcées : quarante mille étrangers, dont dix mille Français, se battent dans les rangs républicains. D’innombrables collectes dans les pays démocratiques – notamment aux États-Unis – ont permis d’acquérir du matériel. La France du Front populaire a cédé cent avions. L’URSS enverra des appareils de chasse et de bombardement.
Franco ne supporte pas cet échec. Il bat le rappel de ses amis italiens et allemands. Hitler met à sa disposition des avions Junkers et Heinkel. Ils seront regroupés dans cette légion Condor dont Berlin a décidé que les pilotes seraient souvent relevés : ainsi une partie notable des aviateurs qui seront jetés dans la Deuxième Guerre mondiale se seront-ils initiés aux réalités de la guerre aérienne. Pour le matériel, ce sera également un véritable banc d’essai. On pourra très vite constater que les
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