C'était le XXe siècle T.2
des trotskistes du POUM et de certaines tendances syndicales. En revanche, les républicains libéraux, l’aile droite du parti socialiste, le parti communiste, les autonomistes catalans et basques répètent qu’il faut d’abord gagner la guerre. Après – après seulement – on fera la révolution.
À la tête des nationalistes, on découvre des généraux – Franco, Sanjurjo, Mola, Varela – qui ne sont nullement d’accord entre eux. Les uns proposent une dictature, les autres le recours à la monarchie. Encore les royalistes sont-ils eux-mêmes divisés, certains réclamant le retour d’Alphonse XIII, d’autres la proclamation de son fils don Juan, d’autres encore tenant pour Alfonso Carlos.
Quant aux forces en présence, elles incarnent un autre paradoxe. Les républicains disposent de la totalité de la marine et de la quasi-totalité de l’aviation. Plusieurs généraux restent fidèles au régime mais les officiers subalternes sont rares. La troupe, elle, se révèle nombreuse mais inexpérimentée : on a mobilisé en quelques jours, dans les régions industrielles, des ouvriers qui n’avaient reçu aucune instruction militaire. Rien de plus difficile que de s’en faire obéir. Pour eux, on créera le mythe du milicien. « Miliciens oui, soldats non ! » Cependant, les masses ouvrières comprendront que l’enjeu n’est autre que leurs libertés. Elles vont peu à peu s’organiser, accepter un semblant d’instruction et finiront par composer une armée redoutable (50) .
À l’inverse, Franco ne disposera pas de la supériorité numérique mais du meilleur de l’armée : les régiments marocains, ou regulares , la garde civile et le tercio (la Légion étrangère). Cela signifie « des officiers entraînés et instruits, des sous-officiers disciplinés et une troupe aguerrie ».
Comme toutes les guerres civiles, celle-ci recouvre à la fois des idéaux et des intérêts. La gauche se bat pour un monde meilleur, plus juste, où l’on découvrirait moins de gens trop riches et moins de gens trop pauvres, mais aussi pour ou contre le partage des terres.
Dans la « croisade » nationaliste – Franco aime à répéter ce mot –, les défenseurs du droit de propriété retrouveront ceux qui aspirent à faire revivre, sous la bannière du Christ, la grandeur du Siècle d’or. La Phalange cultive le mythe de la chevalerie.
Ce qui croît sans cesse, c’est une passion sans limite d’imposer à l’adversaire sa propre vérité. Chez les républicains autant que parmi les nationalistes, on répète les mêmes mots avec la même fureur :
— Hay que acabar con esa gente (il faut en finir avec ces gens-là).
Ne commettons pas l’erreur de croire que, seul, un changement de régime soit en cause. La vérité, l’un des meilleurs connaisseurs de l’Espagne, Jean Descola, l’a cernée : « On règle un vieux compte qui date du Moyen Âge. C’est un défoulement social et religieux. En mettant le feu aux couvents, on se venge de l’Inquisition. L’Espagne noire et l’Espagne rouge répètent le combat de l’Archange. Guerre féodale, guerre de religion, la guerre civile espagnole sera une atroce querelle de famille. »
Le destin va faire de Franco le chef incontesté de la rébellion. Qui d’autre en effet ? José Antonio Primo de Rivera est prisonnier et les républicains le fusilleront en novembre. Calvo Sotelo est mort. Le général Goded, qui a débarqué à Barcelone, a été fait prisonnier par des républicains et conduit devant le peloton d’exécution. Le général Sanjuijo va disparaître dans un accident d’avion. Le général Mola le suivra dans la tombe. Tous les espoirs de la droite convergent donc vers le général franco qui vient d’entrer dans Burgos. La Junte de Défense nationale le proclame « chef suprême de l’État espagnol ».
D’emblée, les forces « franquistes » – le mot est nouveau et il fera fortune – vont s’implanter dans le Sud, autour de Cordoue et de Séville et, au nord de Madrid, dans une région qui va de l’Atlantique à la frontière française et qui comprend Burgos, Valladolid, Salamanque et Vigo. Deux régions qui ne communiquent pas entre elles et où, par conséquent, la prise de pouvoir se révèle fragile. Il faut impérativement à Franco obtenir une jonction entre le nord et le sud et avant tout faire passer en Espagne des renforts venus du Maroc. Comme la marine, fidèle au
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