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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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front. Le 24 avril, les collines d’Inchorta, où l’essentiel des troupes basques a pris position, tombent aux mains du général nationaliste Garcia Valino. Ecrasés de toutes parts, les Basques vont se replier en désordre. Est-ce la fin ?
    Pas encore. Auparavant, il y aura eu l’anéantissement de Guernica.
     
    La petite ville est située à environ dix kilomètres de la mer, près du fond de la ria de Mundaca qui rejoint elle-même la baie de Biscaye. Entre Bilbao et Guernica, on ne découvre guère que de la montagne. Edifiée dans le plus pur style basque, la vieille cité s’enfouit dans un vallon que cernent de molles et basses collines.
    Devant la façade de sa Casa de Juntas , l’hôtel de ville, on montre un vieux chêne, célèbre dans tout le pays. Dès le haut Moyen Âge, des assemblées se réunissaient tous les deux ans sous son ombre. Composées de tous les hommes âgés de plus de vingt et un ans, elles veillaient sur les traditions, proposaient et donnaient des lois. Sous ce même chêne, en contrepartie de l’allégeance que les Basques leur avaient consentie, les rois d’Espagne vinrent plus tard s’engager à respecter les fueros . Le président basque Aguirre vient de prêter là son premier serment.
    En 1937, Guernica se veut toujours la ville sacrée des Basques.
     
    À 19 h 45, le 26 avril 1937, le bombardement de Guernica, ville ouverte, a pris fm. La nuit est largement tombée quand les correspondants de presse étrangère présents à Bilbao apprennent la nouvelle. Ils ne sont que quatre, ce qui s’explique par l’importance toute relative que l’on attribue ailleurs au front basque. Sont en poste trois Britanniques : George Lowther Steer du Times , Noël Monks du Daily Expres s, Christopher Holme de l’agence Reuter et un Belge, Mathieu Cor-man, du quotidien français Ce soir .
    Tous les quatre se précipitent à Guernica. Chacun, selon sa sensibilité ou son style, racontera ce qu’il a vu. Le récit de Steer – le plus complet, le plus précis – paraîtra non seulement dans le Times , mais dans le New York Times . Étant donné le prestige indiscuté des deux journaux, on peut estimer que c’est l’article de Steer qui a – plus que tout autre – déclenché la réaction horrifiée de l’opinion mondiale.
    Il faut en lire l’essentiel :
    « Guernica, la plus ancienne ville des Basques et centre de leur tradition culturelle, a été complètement détruite hier après-midi par les avions des insurgés.
    « Le bombardement de cette ville ouverte, loin derrière le front, a duré exactement trois heures un quart, au cours desquelles une escadrille puissante d’avions allemands de trois types, bombardiers Junkers, Heinkel et chasseurs Heinkel, n’a cessé de déverser sur la ville des bombes de mille livres maximum et, d’après certaines estimations, plus de trois mille projectiles incendiaires en aluminium pesant deux livres. Les chasseurs, entre-temps, s’éloignaient du centre de la ville vers la campagne pour mitrailler ceux qui se réfugiaient dans les champs.
    « Tout la cité fut bientôt en flammes, sauf la Casa de Juntas historique, avec ses riches archives de la race basque, où siégeait jadis l’ancien Parlement basque. Le fameux chêne de Guernica, vieux tronc desséché âgé de six cents ans et orné de jeunes pousses de ce siècle, fut épargné… La noble église paroissiale de Santa Maria fut, elle aussi, épargnée, sauf sa belle salle du chapitre qui fut touchée par une bombe incendiaire.
    « À 2 heures du matin, quand j’ai visité la ville, le spectacle était terrifiant. Guernica brûlait d’un bout à l’autre. Les reflets de l’incendie pouvaient être vus sur les nuages au-dessus des montagnes à seize kilomètres de distance. Pendant toute la nuit, des maisons s’écroulèrent au point que les rues étaient encombrées d’importants débris rougeoyants infranchissables. De nombreux survivants civils partirent de Guernica vers Bilbao dans d’anciennes charrettes basques à roues pleines, tirées par des bœufs…
    « Par son exécution et le degré de destruction perpétrée, autant que par le choix de son objectif, le bombardement de Guernica est sans exemple dans l’histoire militaire. Guernica n’était pas un objectif militaire. Une usine qui produisait du matériel de guerre, située hors de la ville, ne fut pas touchée. Ce fut aussi le cas des deux casernes qui se trouvaient à quelque distance de

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