C'était le XXe siècle T.2
Guernica. Celles-ci étaient loin derrière les lignes de combat. Le but du bombardement était apparemment de démoraliser la population civile et de détruire le berceau de la race basque. »
Ici, George Steer décrit le déroulement du bombardement tel que le lecteur a pu le découvrir au début de ce chapitre. Il y ajoute de terribles détails : « La ville de 7 000 habitants, auxquels il faut ajouter 3 000 réfugiés, avait été lentement, systématiquement détruite et, dans un rayon de huit kilomètres, d’autres avions incendiaient l’une après l’autre les fermes de la région.
« Dans la nuit, les fermes brûlaient comme de petites bougies sur les flancs de la montagne. Tous les villages autour de Guernica furent bombardés avec la même intensité que la ville et, à Múgica, un petit groupe de maisons à la pointe de la crique de Guernica, la population fut mitraillée pendant quinze minutes. Il est encore impossible de connaître le nombre des victimes. La presse de Bilbao déclarait ce matin que le nombre des victimes était heureusement peu élevé. Mais on craint qu’il ne s’agisse d’une sous-estimation pour ne pas alarmer la grande masse des réfugiés qui se trouvent à Bilbao.
« Dans l’hôpital Josefinas par exemple, l’un des premiers objectifs touchés, les quarante-deux miliciens blessés qui y étaient hébergés furent tous tués. Dans une rue descendant de la Casa de Juntas , j’ai vu un endroit où cinquante personnes – pour la plupart des femmes et des enfants – sont, dit-on, emprisonnées dans un abri sous des monceaux de décombres embrasés. Beaucoup furent tués dans les champs et, dans l’ensemble, le nombre des morts peut être de plusieurs centaines…»
En journaliste qui sait voir, sentir et comprendre, George Steer estime que l’entreprise a été scientifiquement préparée et exécutée : « Le système employé par les appareils de bombardement allemands peut intéresser ceux qui étudient la nouvelle science militaire. Tout d’abord, de petits groupes d’avions lancèrent de lourdes bombes et des grenades à main sur toute la ville, en attaquant un quartier après l’autre selon un plan bien ordonné. Puis des avions de combat volèrent très bas et fauchèrent à la mitrailleuse les gens que la panique avait fait sortir de leurs abris. Certains de ces souterrains avaient d’ailleurs été défoncés jusqu’à des profondeurs de sept à huit mètres par des obus d’une demi-tonne. Nombre de ces malheureux furent tués, comme le furent aussi les moutons qui avaient été amenés au marché et que les aviateurs allemands massacrèrent dans leur soif apparente d’assassinat. Le but de cette manœuvre était visiblement de forcer la population à chercher une nouvelle fois un refuge souterrain, car alors une escadrille d’au moins douze bombardiers est apparue, laissant tomber sur les ruines de lourdes bombes incendiaires.
« Le processus du bombardement d’une ville ouverte était logique. Il s’agissait d’abord d’employer des grenades à main et d’énormes bombes pour semer la panique dans la population, puis de mitrailler les gens pour les obliger à se réfugier sous terre et, enfin, de déverser de grosses bombes et des bombes incendiaires pour démolir les maisons et les brûler sur les victimes. »
Steer parle ensuite de « l’héroïsme du clergé local » : « Les prêtres récitèrent des prières et bénirent, dans les abris effondrés, les foules agenouillées composées de socialistes, d’anarchistes, de communistes aussi bien que de fidèles déclarés. »
Quelques lignes encore – combien éloquentes : « Quand je suis entré dans Guernica après minuit, des maisons s’écroulaient des deux côtés de la route. Il était absolument impossible, même pour les pompiers, de pénétrer dans le centre de la ville. Les hôpitaux de Josefinas et le couvent de Santa Clara étaient devenus des masses de cendres incandescentes. Toutes les églises, sauf celle de Santa Maria, étaient détruites, et les quelques maisons qui restaient encore debout était condamnées. Quand j’ai visité à nouveau Guernica cet après-midi (27 avril), la majeure partie de la ville brûlait encore et de nouveaux foyers d’incendie s’allumaient. Une trentaine de morts étaient alignés dans un hôpital en ruine. »
Un tel article nous apparaît comme un modèle de compétence journalistique. Rien n’est laissé au
Weitere Kostenlose Bücher