C'était le XXe siècle T.2
été arrosées d’essence et incendiées par les gouvernementaux. »
À Berlin, on est ravi. Bruyamment, la presse allemande répète que les imputations injurieuses et injustes formulées contre l’aviation allemande sont catégoriquement rejetées par la célèbre agence de presse française.
Parmi ceux-là mêmes qui avaient admis et stigmatisé le bombardement de Guernica, le doute se fera jour. Les premières informations reçues étaient-elles entièrement exactes ? Tout en faisant la part de ce qui peut revenir à la propagande, la thèse franquiste ne doit-elle pas être prise en considération ? Les deux explications ne peuvent-elles pas se conjuguer ?
Un chemin identique est parcouru par la presse et l’opinion britanniques. Le Times publie un nouvel article d’un autre de ses envoyés spéciaux, Holburn. Il produit les mêmes arguments que Botto : « Les marques distinctives d’un bombardement aérien ne sont pas nombreuses. » Des bombes ont pu être lâchées, mais elles n’ont pu déclencher l’incendie : « Il est difficile d’admettre que Guernica fut la cible d’un bombardement d’une exceptionnelle intensité ou qu’elle fut choisie par les nationalistes pour expérimenter des bombes incendiaires, comme les Basques l’ont prétendu. Les habitants qui ont survécu au bombardement et à l’incendie sont, pour la plupart, incapables d’apporter beaucoup d’aide aux enquêteurs. Ils disent qu’ils étaient dans les refuges ou dans la campagne quand l’incendie commença et que, par la suite, on leur a dit que c’étaient les avions qui étaient la cause de ces feux. Selon l’opinion des enquêteurs, il sera difficile de déterminer comment l’incendie s’est déclaré. »
D’évidence, le Britannique Holburn se veut plus prudent dans l’affirmation que le Français Botto. L’impression n’en demeure pas moins qu’il donne raison, au moins en partie, à la thèse nationaliste.
Les hommes du général Franco voulaient transformer une certitude en doute. Ils y sont parvenus.
Pour comprendre le degré de réussite auquel est parvenue la propagande nationaliste, il faut évoquer ici un brave homme de prêtre espagnol basque, le père Alberto de Onaindia. Il a bien voulu évoquer ses souvenirs au cours de l’émission de télévision que j’ai consacrée à Guernica (52) . À trente-quatre ans, il était chanoine à la cathédrale de Valladolid, mais travaillait en Pays basque. Le 26 avril, constatant que la situation s’aggravait pour les Basques, il a décidé d’aller retrouver sa mère à Aulestia pour l’emmener, avec d’autres membres de sa famille, en dehors de la zone menacée. Parti en voiture avec un ami, le sort a voulu que Guernica se trouvât sur leur route et qu’ils parvinrent à l’entrée de la ville à 4 heures et demie de l’après-midi. Tout commentaire affaiblirait un tel témoignage :
« C’était lundi et jour de marché. Nous passions près de la gare de chemin de fer quand nous entendîmes l’explosion d’une bombe ; elle fut immédiatement suivie de deux autres. Un avion qui volait très bas jeta sa charge et il partit, tout cela en quelques secondes. C’était la première expérience de guerre à Guernica. La panique des premiers moments secoua les habitants et les paysans venus au marché. Nous remarquâmes une excitation considérable. Nous sortîmes alors de voiture, pour essayer de découvrir ce qui était arrivé et calmer de nombreuses femmes qui étaient de plus en plus nerveuses et agitées. Quelques minutes plus tard, d’autres bombes tombèrent près du couvent des Madres mercedarias et les gens commencèrent à abandonner les rues et à se cacher dans les caves et dans les abris. Presque aussitôt apparurent, comme s’ils venaient de la mer, quelque huit avions lourds qui jetèrent de nombreuses bombes et, derrière eux, suivit une véritable pluie de bombes incendiaires. Durant plus de trois heures se succédèrent des vagues de bombardiers, ainsi que des avions avec des bombes incendiaires et des appareils isolés qui descendaient à 200 mètres pour mitrailler les pauvres gens qui fuyaient épouvantés. Je ne connaissais pas la marque des avions car je ne comprends rien à ces sortes de choses.
« Nous restâmes un long moment à la sortie de la ville vers Munitibar et Marquina. L’explosion des bombes, les feux qui commençaient à s’allumer et le harcèlement des avions mitrailleurs nous
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