C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
Ils nous en saisissent un par deux crochets, et le jettent à nos pieds, sec, léger, comme un énorme hareng. »
Les experts ont décidé de procéder à l’autopsie de neuf corps qu’ils choisissent au hasard. Chacune des victimes a été tuée par un coup de feu tiré dans la nuque : la balle, entrée dans l’os occipital, est sortie par le front, « généralement à la limite d’implantation des cheveux et, dans quelques cas plus rares, plus bas sur le front. Les coups de feu ont été tirés, tous sans exception, avec un pistolet d’un calibre inférieur à 8 mm ».
Hallucinante, ici, la médecine légale : « À part quelques cas isolés, le trajet du projectile est toujours identique. La similitude frappante des blessures, comme l’emplacement de l’orifice d’entrée du projectile, circonscrit toujours dans un petit cercle dans le bas du crâne, démontre que l’exécution est l’œuvre de tueurs expérimentés. »
On constate que « les poignets d’un grand nombre des victimes sont liés par une cordelette ». Quelques-uns des officiers polonais portent la trace de coups de baïonnette. Les cadavres sont « couchés les jambes allongées, placées de façon méthodique ». Ils sont vêtus d’uniformes d’hiver : « Les uniformes dont étaient vêtus les cadavres, grands ou petits, étaient bien ajustés. Les sous-vêtements étaient boutonnés de façon normale, les bretelles des pantalons à leur place. La commission est arrivée à la conclusion que les victimes avaient été ensevelies dans les uniformes qu’elles portaient au moment de leur mort. » Ce que confirmera après la guerre le professeur Palmieri, expert italien : « La tenue des officiers était en vêtements de sortie, en excellent état (16) . »
La Commission se fait également présenter des objets trouvés sur les corps : blagues à tabac, étuis à cigarettes, boîtes d’allumettes et de cigarettes, mais aussi lettres adressées aux prisonniers par leurs familles, carnets de notes et agendas couvrant la période de septembre 1939 à avril 1940. Le document le plus récent est un journal russe du 22 avril 1940. Le professeur Naville, expert helvétique, a fourni, après la guerre, une intéressante précision sur la façon dont, pour certains documents, la Commission a procédé : « Nous en avons prélevé et examiné que nous sortions nous-mêmes des cadavres (17) . »
Constatation importante : « On n’observe nulle part de larves ni de traces d’insectes, ce qui permet de conclure que la mort et l’enfouissement remontent à une période froide de l’année. »
Un fait extra-médical a retenu l’attention de la Commission. Pour ouvrir les tombes, on a arraché les jeunes conifères qui avaient été plantés sur leur emplacement. Ils gisent toujours là, à côté. Selon un expert des Eaux et Forêts, ces plants ont été transplantés trois années plus tôt.
S’étonnera-t-on que les conclusions de la Commission aient été catégoriques ? « Les exécutions ont dû se produire dans les mois de mars à mai 1940 », ont déclaré les experts. Or, en mars, avril et mai 1940, la forêt de Katyn se trouvait sous le contrôle soviétique. Les Allemands n’y ont remplacé les Russes qu’à partir de l’été 1941. Tout confirmait donc le crime soviétique. Ce que l’Histoire a définitivement admis.
Le lecteur doit comprendre que ces résultats, naturellement diffusés à grand fracas par la propagande de Goebbels, furent souvent accueillis avec méfiance en France occupée : ne s’agissait-il pas d’un de ces énormes truquages dont les nazis étaient coutumiers, tels que l’incendie du Reichstag attribué aux communistes alors qu’il avait été allumé par les complices de Goering ? De ce soupçon, des traces demeureront longtemps dans les esprits. C’est ce qui explique en partie que la thèse d’un crime allemand, soutenue contre toute évidence à Moscou pendant plus de quarante ans, ait trouvé à Paris des défenseurs obstinés. La Commission n’a cessé d’assurer qu’elle avait disposé à Katyn, tout au long de son séjour – du 28 au 30 avril 1943 –, d’une « entière liberté de mouvements ». Elle a affirmé avoir dirigé elle-même les exhumations et désigné, dans les fosses, les corps à examiner.
Par la suite, il est vrai, deux d’entre eux ont affirmé que le rapport d’autopsie leur avait été dicté par les autorités
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