C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
par la force de sa personnalité que, petit à petit, il a réussi cette coordination sans laquelle la Résistance n’avait aucune chance de survivre. »
Cette ténacité inlassable porte enfin ses fruits. À la fin de mars 1942, Moulin est parvenu à rallier Frenay et d’Astier de la Vigerie. Conformément au plan établi, tous deux ont désigné six chefs militaires régionaux, ce qui ne les empêche pas, à la moindre occasion, de ruer dans les brancards. Lentement, mais sûrement, l’organisation voulue par Moulin se met en place. Il a toujours cru qu’une résistance efficace supposait des communications rapides. Maintenant les transmissions, les services de parachutage et d’atterrissage sont organisés. On a formé les premiers « comités de réception ».
Les choses avancent si bien qu’il faut créer plusieurs secrétariats. Georges Bidault, chargé du Bureau d’information et de presse, fournira notamment à la BBC les renseignements sur la Résistance qui populariseront son image.
Tantôt Moulin se fait appeler Jean Martel, artiste peintre et décorateur – il est doté d’un réel talent –, tantôt il devient Jean Marchand ou Jean Mercier, conservant ses initiales pour plus de sûreté. Il reste très jeune d’allure mais garde au cou son éternelle écharpe : comme s’il avait honte d’avoir un jour cédé au désespoir.
Au milieu des hommes de l’ombre, il donne l’exemple d’une foi jamais entamée et d’un exemplaire mépris du danger. Une résistante va découvrir que le calme dont ne se départ jamais « Max » – son pseudonyme préféré – est une apparence. Elle entre à l’improviste dans sa chambre pour lui apporter du thé. Elle le trouve pâle, frissonnant. Elle lui demande s’il est malade.
— Non. J’ai peur. Si vous saviez ce qu’ils font à mes camarades quand ils les prennent…
Le lendemain, il repart.
Désormais, l’ensemble des mouvements de résistance accepte de se ranger sous l’autorité de Charles de Gaulle et de son délégué Jean Moulin. Seuls, jusqu’au bout, Henri Frenay et les membres de son mouvement Combat demeureront plus que réticents : réfractaires.
Cette opposition vigilante, cette hostilité de chaque instant qui parfois frôle la haine, comment Moulin l’ignorerait-il ? Il a reçu une nouvelle mission – et quelle mission ! – du général de Gaulle : il doit réunir et présider un Conseil national de la Résistance qui assurera la représentation des mouvements de résistance mais aussi celle des formations politiques et des syndicats.
À Paris, le 27 mai 1943, le CNR se réunit pour la première fois. Fidèle aux instructions du général de Gaulle, il devra « maintenir l’unité de la Résistance, organiser le futur gouvernement de la France libérée, exprimer les désirs et les sentiments de la clandestinité, préparer enfin la rénovation du pays ». La première motion du CNR, proposée par Georges Bidault, est approuvée à l’unanimité : « La France entend que soit formé en Afrique du Nord un véritable gouvernement et qu’il soit confié au général de Gaulle, âme de la Résistance aux jours sombres. » Non seulement Jean Moulin a réalisé l’unité de la Résistance mais il en est désormais le chef politique.
Parallèlement s’est formée l’Armée secrète à laquelle de Gaulle vient de donner un chef : le général Delestraint. En lui annonçant sa nomination, le général de Gaulle lui a écrit : « Je vous embrasse, mon général, nous referons l’Armée française. »
Le sabotage est passé naturellement sous le contrôle de Delestraint, devenu Vidal dans la clandestinité. Or l’un des chefs de Sabotage-Fer , une branche du mouvement Combat qui s’attaque essentiellement aux voies ferrées, aux locomotives et aux trains utilisés par l’ennemi, est un certain René Hardy que ses camarades ne connaissent que sous le nom de Didot. Son port d’attache est à Lyon.
Dans la perspective du débarquement que l’on espère, une stratégie vient d’être adoptée pour le sabotage généralisé de toutes les communications allemandes : c’est le Plan vert. René Hardy l’a élaboré avec son camarade Heilbronn. Delestraint prévoit de confier à Hardy le poste de chef du 3 e bureau de l’Armée secrète. Par les voies habituelles de la clandestinité, il le fait prévenir qu’il l’attend à Paris.
Sans qu’aucun des responsables puisse encore
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